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Le Sénateur Bruno Retailleau, l'homme orchestre du Colloque citoyenneté et justice au Moyen-Orient !

Bruno Retailleau, sénateur vendéen et homme orchestre

Bruno Retailleau est l'homme orchestre de la réussite du colloque citoyenneté et justice: un défi pour le Moyen-Orient. Quels enseignements pour l'avenir de l'Irak ? Dans la salle Médecis du Sénat, Bruno Retailleau s'approche et salue tout le monde. Il connait chaque intervenant et le Moyen-Orient n'est pas inconnu de lui. Pour le Sénateur vendéen, en France on confond laïcité et laïcisme. Et Bruno Retailleau a une approche plus réaliste et non idéologique de la laïcité. Pour lui, le laïcisme c'est le combat contre la religion, par contre la laïcité c'est la coexistence pacifique de toutes les religions.

Bruno Retailleau, sénateur vendéen et homme orchestre

Voici son discours de clà´ture du clà´ture du Colloque `` Citoyenneté et justice : un défi pour le Moyen-Orient - Quels enseignements pour l`avenir de l`Irak ? » Béatitude,

Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mes chers collègues,

Éminences,<> Messieurs les Ambassadeurs,

Monsieur le Représentant spécial,

Mesdames et Messieurs,

• Je voudrais remercier :

- Christian CAMBON, Président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat ;

- Tous les intervenants, français et étrangers, qui nous ont offerts des échanges d`une très grande qualité ;

- Je veux aussi adresser nos remerciements aux ambassadeurs, pour leur présence et leur soutien à  cette manifestation : les Ambassadeurs d`Irak (SE Ismaïl Shafiq Muhsin), de Jordanie (SE Mustafa Queisi), du Liban (SE Rami Adwan), d`Arabie Saoudite et d`Egypte (SE Ehad Badawi). Je remercie également nos ambassadeurs de France dans ces pays et en particulier M. Bruno Aubert, ici présent, pour leur appui dans la préparation de cette journée.

Une journée qui, je le crois, illustre ce lien fort, tissé dans la trame de l`histoire, qui unit la France à  cet Orient blessé et fracturé.

1) Blessé et fracturé : tel est aussi le visage qu`offre l`Irak aujourd`hui.

Car malgré la défaite militaire de l`Etat Islamique et qui, n`en doutons pas, est loin de signer sa capitulation ; malgré aussi le combat de ces artisans de paix qui, comme Sa Béatitude, Monseigneur Louis Sako, et bien d`autres, œ“uvrent quotidiennement et concrètement pour la reconstruction de l`Irak et la réconciliation des Irakiens ; malgré tout cela, les blessures et les fractures demeurent. Et nous l`avons constaté lors de notre mission en janvier, en Irak et au Liban. Mission qui est d`ailleurs à  l`origine de ce colloque.

- Ces blessures, nous les avons vues dans le regard de ceux qui ont connu l`indescriptible, nous les avons entendues de la bouche de tous ces hommes et ces femmes qui ont vécu l`indicible. Ce sont les blessures infligées par ce qu`il faut désigner comme un nouveau totalitarisme, perpétuant son œ“uvre de mort à  travers des crimes qu`il faut bien qualifier de crimes contre l`humanité. Crimes qu`il faudra bien juger, un jour : c`est l`exigence de justice.

- Quant aux fractures, vous les avez longuement évoquées : elles sont confessionnelles, communautaires, parfois même régionales tant cette guerre d`Irak fut aussi à  bien des égards, comme hier la terrible guerre du Liban, une `` guerre des autres ». Ces fractures sont indiscutables, incontournables même compte tenu de la mosaïque religieuse et culturelle du Moyen Orient. Mais elles ne sont pas indépassables : le ciment de la citoyenneté peut, je le crois, contribuer à  les combler.

2) Blessures et fractures, justice et citoyenneté : c`est donc ce double regard que nous avons choisi d`adopter dans ce colloque.

- Parce que c`est un regard d`espérance. Et après la victoire militaire contre Daech et à  l`approche des élections du 12 mai, nous n`avons pas seulement le droit d`espérer pour l`Irak : nous avons, j`en ai la conviction, un devoir d`espérance pour les Irakiens. Nous avons le devoir de ne pas céder à  la fatalité. Et je rejoins Antoine Messara qui souligne fort justement qu`à  force d`être pessimiste, il existe un risque que les prophéties catastrophiques se réalisent, des prophéties auto-réalisatrices en quelque sorte.

- Ce colloque, c`est aussi le regard de l`intelligence. Regard essentiel car, nous ne pouvons `` voler vers l`Orient compliqué avec des idées simples ».

Cette tentation de la simplification existe aujourd`hui en Occident. Elle se nourrit d`une certaine ignorance sur la multiplicité des histoires et la complexité des mémoires dans cette région. Elle ressurgit également sous le coup de l`émotion suscitée par la diffusion d` `` images chocs ». Certes, l`émotion est légitime et même nécessaire : elle l`a été pour alerter et mobiliser la communauté internationale sur les massacres perpétrés contre les minorités en Irak, notamment chrétiennes et Yésidies. Mais l`émotion ne fait pas une politique ; elle ne saurait se substituer à  la réflexion, à  ce qui doit guider l`action, que ce soit en Irak ou en Syrie.

Regard d`espérance donc, regard de l`intelligence : mais en aucun cas, ce colloque ne vise à  porter un regard d`ingérence ; ce regard à  travers lequel nous projetterions sur l`Irak et plus largement sur la région notre vision et avec elle, nos conceptions.

- La justice pour laquelle nous plaidons, c`est celle qui doit être rendue en Irak, au nom des Irakiens, au nom des victimes de l`Etat Islamique. Y compris d`ailleurs s`agissant de nos ressortissants. Bien sà»r, la communauté internationale est concernée au vu de la nature des crimes commis. Il importe d`ailleurs que le recensement de ces crimes et la collecte des preuves soient organisés dès à  présent dans de bonnes conditions. C`était le sens de la résolution 2379 visant à  créer une Equipe d`enquête internationale des Nations Unies sur les crimes commis en Irak, et pour laquelle la France a beaucoup œ“uvré aux cà´tés du Royaume-Uni et de la Belgique. Mais pour le reste, c`est d`abord aux irakiens de décider.

Recours à  la Cour Pénale internationale - ce qui supposerait que l`Irak ratifie le Statut de Rome- Tribunal international spécial ou Tribunal spécial national : le choix de la méthode doit relever de la souveraineté irakienne et d`elle seule.

C`est, je le crois aussi, le choix de l`unité. Car il ne saurait y avoir de véritable réconciliation en Irak si certains Irakiens ont le sentiment que la justice n`a pas été leur justice, mais la justice des autres.

- Ce qui vaut pour l`exigence de justice vaut aussi pour cette exigence de citoyenneté que vous avez longuement évoquée. Nous avons, nous Français, notre conception de la citoyenneté. Elle est le produit d`une histoire singulière, d`un rapport particulier à  l`Etat, à  la Nation mais aussi au religieux à  travers ce paradoxe étrange qui veut que le pays le plus laïc d`Europe soit aussi celui où l`on parle le plus de religion ! Et l`actualité de ces derniers jours l`a encore démontré… Cette conception de la citoyenneté, fruit de cette construction multiséculaire qu`est l`Etat-Nation, produit d`une longue individualisation des rapports sociaux dans les sociétés occidentales, cette conception-là  n`a pas prétention ou vocation à  devenir universelle. Et c`est heureux car si tel était le cas, l`Irak ne pourrait ni ne voudrait l`épouser. Du reste, nos sociétés occidentales minées par un certain individualisme sont sans doute mal placées pour donner aujourd`hui des leçons de citoyenneté... Nous avons, nous aussi, nos fractures à  combler, une amitié civique à  réchauffer. Quoi qu`il en soit, le chemin de la citoyenneté n`est pas univoque, ni en Occident ni en Orient : libanais, jordaniens, égyptiens ou saoudiens ont choisi le leur. A l`Irak de tracer le sien.

3) Pour autant, il y a sur ce chemin des étapes qui, peut-être - sans doute même

- sont incontournables parce qu`elles renvoient à  l`expérience commune des peuples.

C`est l`étape de la reconstruction tout d`abord, parce que la citoyenneté est un édifice qui repose d`abord sur les murs de la cité, ces murs porteurs qui en Irak ont été ébranlés par la guerre et son cortège de destructions.

- C`est la reconstruction institutionnelle, pour que l`Etat irakien puisse exercer sa souveraineté et garantir la sécurité.

Sur ce point, l`élimination de Daech dans sa dimension quasi-étatique et territoriale permet d`avancer mais elle ne signifie pas pour autant la disparition de la menace. Les combattants de l`Etat Islamique n`ont pas tous été neutralisés ou arrêtés. Des cellules dormantes existent encore et de nombreux islamistes se sont fondus dans la population. Le mode opératoire s`est modifié, avec une recrudescence des attentats. Et tout ce qui peut contribuer à  aider l`Etat irakien à  l`élimination de la menace djihadiste doit être réalisé.

- Mais c`est aussi la reconstruction économique. à€ cet égard, la Conférence de Koweït a donné le coup d`envoi d`une mobilisation internationale pour laquelle la France a souhaité être aux avant-postes. Il y a tant à  faire dans le domaine des infrastructures, de l`énergie, pour l`acheminement de l`eau potable, ou encore dans le domaine agricole. La France est prête à  offrir son expertise et à  coopérer dans de nombreux domaines. Ces points, je n`en doute pas, seront évoqués lors de la visite annoncée du Président de la République après les élections

• Et puis naturellement, à  l`enjeu de la reconstruction s`ajoute l`épineuse question de la réconciliation, c`est-à -dire celle de l`unité irakienne qui ne saurait se faire à  travers une négation de la diversité des Irakiens.

- Négation qui, je le crois, offrirait une victoire aux djihadistes qui à  la diversité communautaire oppose l`uniformité totalitaire. Pour rester elle-même, l`Irak doit rester plurielle. De ce point de vue et ainsi que l`ont souligné de nombreux intervenants, la situation est plus critique encore aujourd`hui : les composantes sont devenues encore plus minoritaires.

Je pense aux chrétiens, dont la population en Irak a diminué de plus de 70 %, d`1,3 million à  moins de 400 000. Je pense à  la communauté Yézidie, particulièrement éprouvée par les crimes de l`Etat Islamique, et dont nous avons la joie et l`honneur d`accueillir aujourd`hui l`une des représentantes au Parlement. Je pense également au peuple kurde, dont les liens avec la France ont été renforcés dans cette fraternité d`armes contre Daech. à€ cet égard, je me réjouis de la reprise du dialogue entre Bagdad et Erbil.

- Alors quelle forme doit prendre cette reconnaissance de la diversité irakienne ? Et surtout jusqu`où peut-elle s`articuler avec l`exigence d`unité ? Faut-il aller jusqu`à  une stricte séparation des religions et de l`Etat ? Certains le croient. Quant au régime confessionnel, qui vise à  une égale représentation politique, sans doute a-t-il ses vertus, mais ne présente-t-il pas également des limites ? Là  encore, l`Irak doit choisir librement et collectivement. Puissent les réflexions qui ont nourri ces échanges être utiles à  nos amis irakiens.

Mais j`ai la conviction que l`espace de la réconciliation ne saurait se limiter à  la seule dimension institutionnelle ou politique. Certes, il revient aux pouvoirs publics, là -bas comme ailleurs, de garantir certains principes sans lesquels il ne peut y avoir à  mon sens de véritable citoyenneté, et donc de véritable unité : je pense à  la liberté religieuse ou à  l`égalité des droits.

Mais l`expérience de certains pays qui comme l`Irak ont été déchirées par de terribles fractures - comme le Liban, l`Afrique du Sud ou même l`Irlande du Nord - ces expériences ont montré que le processus de réconciliation était à  la fois plus vaste et plus profond :

Plus vaste car cette exigence d`unité ne peut pas et ne doit pas être seulement l`affaire des responsables publics, mais doit associer la société toute entière. Je crois notamment aux vertus de l`éducation, soulignées par Mme Haifa Najjar qui est mobilisée sur ces questions en Jordanie et par le Père Amir Jajeh, qui propose de réformer les enseignements de la religion et de l`éducation civique en Irak.

Plus profond ensuite car le processus de réconciliation obéit à  des mécanismes dont les ressorts sont aussi intérieurs. Oserais-je dire spirituels ? Je pense naturellement à  l`Afrique du Sud à  travers la commission vérité-réconciliation et cette expérience singulière du pardon qu`ont fait les sud-africains, comme d`autres avant eux. Et je le dis aussi comme vendéen, issu d`une terre qui a une autre époque et dans un autre contexte, a connu la meurtrissure des crimes de masse, la `` morsure de la terreur », ce poison des oppresseurs qui peut s`instiller jusqu`aux cœ“urs des opprimés, en les enfermant dans leur douleur. Bien sà»r en Irak les blessures sont encore trop vives, les plaies trop ouvertes.

Le pardon ne se décrète pas. Pas plus qu`il ne saurait se substituer à  la justice. Mais des actes de pardon et de réconciliation, il y en a eu en Irak. Et il y en aura d`autres, quand le temps sera venu, quand le temps de la justice aura fait son œ“uvre.

Mais je crois qu`à  l`issue de ce colloque qui nous aura permis de voir loin, de prévoir le jour d`après, ce temps-là  pouvait aussi être évoqué. Mieux encore : il doit être recherché, il doit être espéré même. Car au fond, cette grande idée de la justice et de la citoyenneté en Irak ne peut être que le fruit de cette `` petite espérance `` de rien du tout » mais qui `` pourtant peut tout » comme disait Péguy, de cette petite flamme qui, je l`ai vu, brule dans le regard des irakiens et que les barbares de l`Etat islamique ne seront pas parvenus à  éteindre.

Et je crois que tant que cette flamme brà»lera, là -bas mais aussi ici, dans notre pays, alors l`Irak vivra. Et avec elle, une certaine idée de l`Irak, et une certaine idée de la France.

Je vous remercie de votre attention.

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