Affaire Kamerhe: Me Nico Mayengele "Non à la justice au solde des apparatchiks"!
Freddy Mulongo, Réveil FM International

Vital Kamerhe est mal barré, Me Nico Mayengele avocat près la Cour (ONA 6065) et président de Congo Normal, est allé dans ses cours de droits pour étayer des arguments qu'un "Braqueur de la République" n'est pas n'importe qui. Kamerhe ne peut plus bénéficier d'une liberté provisoire car son "Affaire" a quitté le parquet, elle est entre les mains d'un juge! Tshilombo veut-il brûler le pays?
Le glaive, symbole de puissance, rappelle quant à lui que la justice n’est rien sans la force qui permet de la faire appliquer : juger ne consiste pas seulement à examiner, peser, équilibrer, mais encore à trancher et sanctionner. La balance constitue sans doute le symbole le plus ancien de la fonction de juger. La balance fait référence à l’idée d’équilibre et de mesure : elle rappelle tant l’objectif de la justice (la conciliation et l’apaisement des intérêts en conflit) que le moyen d’y parvenir (départager chacun en pesant le pour et le contre). La balance vient à ce titre symboliser le travail du juge au cours de son délibéré : prendre la mesure de chaque argument pour parvenir à une décision équilibrée. Elle symbolise aussi l’impartialité nécessaire au fonctionnement de la justice, qui ne doit pencher en faveur d’aucune des parties.
"La justice est un principe moral de la vie sociale fondé sur la reconnaissance et le respect du droit autres qui peut être le droit naturel (l'équité) ou le droit positif (la loi). La justice est aussi le pouvoir d'agir pour faire reconnaître et respecter ces droits (ex: rendre la justice). Elle est symboliquement représentée par le glaive et la balance traduisant son double rôle d'administration des châtiments et de détentrice de la vertu morale lui permettant d'imposer son arbitrage. Au niveau d'un Etat, la Justice est le pouvoir judiciaire qui prend la forme d'une institution ou d'une administration publique constituée d'un ensemble de juridictions chargées d'exercer ce pouvoir. (Tribunaux, cours...). La justice s'appuie sur des règles édictées par des instances extérieures (Constitution, traité, loi, règlement) ainsi que sur des textes élaborés au cours de l'exercice du pouvoir judiciaire (jurisprudence).
La Bible déclare que "la justice élève une nation". Elle est un facteur de paix sociale et un mécanisme de régulation de la société moderne puis ordonnée, car fondée sur l'adage "Ubi societas ubi jus": "Là où il y a la société, il y a le droit".
Il en résulte que la justice est d'essence divine. Les personnes appelées à la rendre sont appelés "juges" ou "représentants ou serviteurs" de Dieu qui est le Juge des Juges, le Saint-Juste. Partant, nos juges ne peuvent en aucun cas rendre une justice à dents de scie : faible, laxiste, voire inexistante pour les uns, mais forte, cruelle et sévère pour les autres selon que l'on est riche ou pauvre, gouvernant ou gouverné, du pouvoir ou de l'opposition.
Vu sous cet angle, appelé à dire le droit, le juge juste, indépendant d'esprit et craignant Dieu, doit ainsi disposer d'un devoir d'ingratitude tant vis-à-vis du Pouvoir exécutif qui l'a établi ou nommé juge que du pouvoir législatif qui lui a produit les instruments juridiques de travail (la Constitution, lois, certains traités ou conventions internationales ratifiées ou approuvées en vertu d'une loi (Parlement) (article 214 constitution RDC).
Face à une telle responsabilité sociétale incombant aux juges, les tentations sont, certes, fortes et multiples, les tentatives d'immixion et de manipulation immenses.
Dans cet ordre d'idées, l'inconstitutionnelle démarche de l'Exécutif observée lors du Conseil des Ministres tenu le 4 mai 2020 tendant à voir la justice accorder la liberté provisoire au Directeur de Cabinet du "Chef de l'État" sous prétexte du désengorgement de la Prison (Page 5 du Compte-rendu de la 29 ème réunion du Conseil des Ministres du Lundi 4 mai 2020) est de nature à heurter les sacro-saints principes de droit démocratique ci-après :
I. La bonne administration de la justice;
II. L'indépendance du pouvoir judiciaire;
III. La séparation des pouvoirs ;
IV. Le procès équitable.
La même démarche gouvernementale frise par ailleurs :
V. La haute trahison
Ce qui implique en conclusion :
VI. Le devoir de résistance patriotique.
Tels sont les points que nous allons devoir développer dans les lignes qui suivent.
I. Le principe de la bonne administration de la justice
La notion de la bonne ou meilleure administration de la justice est à la fois un droit et une garantie pour les justiciables contre l'arbitraire et les abus de tous ordres. Toute décision de justice qu'elle soit normative, administrative ou juridictionnelle doit être scrutée à l'aune de l'observance dudit principe.
A cet effet et dans l'intérêt supérieur d'une meilleure administration de la justice, les juges du TGI/GOMBE qui seront saisis de la requête de liberté provisoire du Prévenu Vital Kamerhe, Directeur de Cabinet du "Chef de l'État" poursuivi pour détournement des deniers publics et corruption, doivent s'interdire d'avoir égard aux conclusions du Conseil des Ministres du 4 mai 2020 pour asseoir leur intime conviction sans heurter la maxime de la bonne administration de la justice qui est un objectif de valeur constitutionnelle. Nul ne peut donc dicter à un juge l'attitude à observer sans enfreindre son indépendance et son impartialité dans la mission de dire le droit.
II. L'indépendance du juge
L'indépendance du juge ne se négocie ni ne se marchande sur le plateau des intérêts financiers, économiques, politiques ou de positionnement social, d'autant que "les juges ne sont soumis dans l'exercice de leur fonction qu'à l'autorité de la loi", et ce, conformément à l'article 150 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour.
Selon Jean-Louis Esambo, "L'indépendance du juge n'est donc pas un danger dans le fonctionnement des institutions politiques. Elle s'inscrit au contraire dans une tradition de respect de la légalité constitutionnelle, de la stabilité institutionnelle et de la garantie des libertés publiques".
En droit constitutionnel congolais, le pouvoir judiciaire garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens (article 150), est indépendant du pouvoir exécutif. Il est d'évolu aux Cours et Tribunaux. (Article 149 Constitution supra). Le pouvoir exécutif ne peut donner d'injonction au juge dans l'exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s'opposer à l'exécution d'une décision de justice. Le pouvoir législatif ne peut ni statuer sur les différends juridictionnels, ni modifier une décision de justice, ni s'opposer à son exécution. Toute loi dont l'objectif est manifestement de fournir une solution à un procès en cours est nulle et de nul effet (Article 151).
Il résulte de ces dispositions constitutionnelles que nul ne pouvait statuer sur la possibilité d'accorder la liberté provisoire à un détenu, tel Vital Kamerhe, dont le dossier est déjà fixé à l'audience du 11 mai 2020. Seuls les juges du TGI/GOMBE saisis à cet effet par le Prévenu sont habilités à examiner cette possibilité en âme et conscience libre et non influencée.
Le fait pour le gouvernement d'avoir débattu de la question et cité nommément le "Directeur de Cabinet comme exemple d'un potentiel bénéficiaire de la liberté provisoire ne présentant aucun risque" sous prétexte du désengorgement des prisons (Cfr. Compte-rendu de la 29 ème Réuniondu Conseil des Ministres du 4 mai 2020, Page 5), est une tentative d'orienter l'attitude des juges saisis de l'objet du procès en cours et une flagrante violation des principes constitutionnels de l'indépendance du juge et de la séparation des pouvoirs, cher à John Locke.
III. Le Principe de la séparation des pouvoirs
La notion de la séparation des pouvoirs reste intimement liée à celle de l'indépendance du juge prédéveloppée, la première garantissant la seconde.
Ainsi, "La théorie de la séparation des pouvoirs est créditée d'être une technique constitutionnelle destinée à contrer le népotisme du pouvoir par l'aménagement correct des compétences de chaque pouvoir de l'État et la protection des droits humains et des libertés publiques", note Jean-Louis Esambo dans son ouvrage intitulé "Le droit constitutionnel" (p.225).
Avant que John Locke ne préconise la théorie de la séparation des pouvoirs à la fin du XVII ème siècle, systématisée ou formalisée par Montesquieu vers XVIII ème siècle avant d'être reprise et appliquée par le Constituant américain en 1787, Aristote en son temps évoqua distinctement les trois fonctions étatiques : fonction législative ou délibérante, fonction exécutive et fonction judiciaire.
Par ailleurs, "la séparation des pouvoirs poursuit un objectif précis et clair, celui d'empêcher les abus que pourrait commettre, par excès du pouvoir, un titulaire unique, enseignait le Professeur Jean-Louis ESAMBO, avant de rappeler que "la théorie encourage l'établissement d'un gouvernement libéral. C'est dans ce contexte qu'il convient de situer la portée de l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 selon laquelle une société qui ne garantit pas la séparation des pouvoirs ne peut prétendre avoir une constitution".
Il est donc superflu et surprenant de voir le Conseil des Ministres dirigé par le "Président de la République " engager le débat houleux et délibérer sur notamment un dossier pendant en justice. Celui de la liberté provisoire du Directeur de Cabinet du Chef de l'État, présidant ledit Conseil des Ministres. Dans un passé récent et en chambre du Conseil, le juge de la détention avait rejeté la requête tendant à cette fin avant que l'Officier du Ministère Public n'ait saisi le juge compétent par voie de la requête aux fins de fixation de date d'audience sous RMP 1641/PG.023/o/LUK/2020. L'audience introductive d'instance est fixée au 11 mai 2020 où le Prévenu Kamerhe aura le droit d'introduire sa demande de liberté provisoire. Mais, il est curieux de constater une sorte de conditionnement moral, mieux d'imprégnation psychologique des juges face au vœu exprimé par le Gouvernement, mieux les pistes explorées par lui de voir "les prisons désengorgées en accordant la liberté provisoire aux personnes privées de liberté mais ne présentant aucun risque à l'instar de Directeur de Cabinet du Chef de l'État (...)", lit-on dans le Compte-rendu du Conseil des Ministres sous examen.
Une telle insise me paraît un ordre illégal et une injonction implicite faits aux juges appelés à connaître prochainement du bien-fondé de la requête de mise en liberté provisoire de Vital Kamerhe, Directeur de Cabinet encore en détention et en fonction.
Il y a donc lieu de s'interroger quant au caractère équitable d'un tel procès sous haute surveillance politique qui s'ouvrira le 11 mai courant.
IV. Principe du Procès équitable
Le principe du procès équitable, une garantie procédurale et de justice impartiale, a acquis ses lettres de noblesse avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 (article 10), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ainsi que la Convention européenne des Droits de l'Homme (article 6).
Le principe postule à ce que "Toute personne ait droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt des bonnes mœurs, de l'ordre public ou de la sécurité nationale...
Les droits de la défense, de recours, d'être assisté par un Avocat, d'être informé de ses accusations ainsi que le droit à la présomption d'innocence doivent être garantis dans le cadre de tout procès équitable.
Par tribunal indépendant, les Juges de Strasbourg estiment que "tout tribunal doit être indépendant à l'égard à la fois de l'exécutif et des parties" (Aff. Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, Paragraphe 95).
Faisant sienne cette jurisprudence qui cadre avec les dispositions constitutionnelles de l'article 151 sus évoqué, les juges congolais saisis de l'affaire Ministre Public contre le Prévenu Vital Kamerhe et consorts, sont appelés à se départir des influences ou orientations à peine voilées du Gouvernement contenues dans le Compte-rendu de la 29è Réunion du Conseil des Ministres du 4 mai 2020, soit une semaine avant l'ouverture du procès Kamerhe, dont l'eventuelle libération a, arbitrairement et cavalièrement, été abordée par l'Exécutif sous forme de mesures du désengorgement des prisons, et ce, en violation de l'indépendance du juge, de la séparation des pouvoir et du droit à un procès équitable. Lesquelles mesures salutaires soient-elles, ne peuvent nullement lier les juges, sinon il serait l'exécution d'un ordre manifestement illégal interdite à l'article 28 de la Constitution ainsi libellé :" Nul ne peut exécuter un ordre manifestement illégal. Tout agent de l'État est délié du devoir d'obéissance, lorsque l'ordre reçu constitue une atteinte manifeste aux droits de l'homme et des libertés publiques".
Par Tribunal impartial analysé sous le prisme d'un procès équitable, on note l'absence des préjugés ou des partis pris dans l'agir du juge, car son for intérieur ou son intime conviction ne saurait être troublé (e) par les injonctions, diktats ou influences d'autrui, apparatchiks ou barbouzes du régime sont-ils.
On s'aperçoit par ailleurs que la démarche du Gouvernement en rapport avec la probable libération provisoire du Prévenu en détention et Directeur de Cabinet de "Président" Félix-Antoine Tshilombo Tshisekedi, s'apparente à la haute trahison.
V. Haute trahison
En vertu de l'article 165 de la Constitution, il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier-ministre sont auteurs, coauteurs ou complices des violations graves des droits de l'homme, de cession d'une partie du territoire national.
En effet, le Conseil des Ministres prérappelé a été présidé par le "Président de la République " en présence des Premier-ministre et des autres membres du Gouvernement. Au cours dudit Conseil, il a été noté et décidé ce qui suit : "... Il s'ensuivit un débat à propos des possibilités de désengorgement des prisons. Parmi les pistes explorées, il y a la voie de libération conditionnelle, *de la liberté provisoire à accorder aux personnes privées de liberté mais ne présentant aucun risque à l'instar de Directeur de Cabinet du Chef de l'État*, ainsi que des personnes condamnées à des peines mineures. (...) A l'issue de ces discussions, le Conseil des Ministres a instruit le Vice-ministre, Ministre de la Justice, de prendre immédiatement, en concertation avec le Ministre des Droits Humains, les mesures de désengorgement urgent des prisons avec le concours des services judiciaires compétents" (...).
Il appert que la question ou la possibilité d'accorder la liberté provisoire au Prévenu Vital Kamerhe relève, à dater de la saisine du juge, de la compétence du TGI/GOMBE devant lequel l'affaire sera appelée le 11 mai 2020 à 9 heures du matin. Elle n'est donc pas de la compétence du Conseil des Ministres. Y ayant statué, le Président de la République, le Premier-ministre et les membres du Gouvernement présents à cette réunion ont violé intentionnellement les articles 149, 15O et 151 de la Constitution. Par conséquent, ils peuvent, ad nutum, être poursuivis pour haute trahison, telle que définie à l'article 165 de la même Constitution.
A défaut, le Peuple a le devoir de résister à tout pouvoir qui s'exerce en violation de la Constitution.
VI. Devoir de résistance patriotique face aux multiples violations de la Constitution
Nul n'ignore que la démocratie libérale tire son origine des révolutions américaine et française. Le modèle démocratique libéral est donc le fruit ou l'aboutissement des luttes révolutionnaires et des résistances des Peuples en quête de la liberté.
La révolution américaine par exemple prend sa source dans la tradition anglo-saxonne libérale du droit naturel qui part de Locke. Les droits naturels à la liberté, à la vie et à la propriété sont désormais garantis par les droits civiques. Il suffit de supprimer le pouvoir répressif pour que les principes de la société deviennent actifs et donnent naissance à un gouvernement qui serve le développement spontané de la société, de la civilisation et du commerce (J. Habermas).
Cela dit, en théorie de la libération, il est inimaginable et inconcevable de vouloir négocier la liberté, la démocratie, la vie, la propriété, la terre avec le régime tyrannique ou le régime d'occupation et de répression que l'on doit en revanche supprimer par la révolution rupture ou la résistance légitime telle que prévue par l'article 64 de la Constitution, dont le fondement philosophique demeure les révolutions américaine et française qui se soldèrent à l'avènement du modèle démocratique libéral.
Article 64 : Tout Congolais a le devoir de faire à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l'exerce en violation de la Constitution (alinéa 1er).
Comme on peut s'en rendre compte, cet article institue un régime de désobéissance civile constitutionnelle à la portée du Peuple acquis au changement démocratique et au bien-être légitime.
Fait à Kinshasa, le 6 mai 2020
Maître Nico MAYENGELE NGENGE
Avocat près la Cour (ONA 6065)