Les enfants soldats-Kadogos !
Freddy Mulongo Mukena, Réveil FM International

On les appelle "Kadagos" en République démocratique du Congo, "Little Bees en Colombie, "Craps" au Rwanda. Ils n`ont parfois guère plus de 7 ou 8 ans. Ils sont 300 000 enfants-soldats en activité dans le monde. Victimes mais aussi acteurs de la guerre, tous ne sont pas recrutés de force, loin s'en faut. Les Kadogos sont-ils victimes? ou des criminels de guerre? Combien sont-ils en République Démocratique du Congo? le pays n'étant pas pacifié surtout dans sa partie Orientale, on sait dès lors que la pauvreté, la déscolarisation, le chômage, l'idéologie, l'ethnicité ou le désir de vengeance sont parmi les raisons majeures qui poussent ces enfants à rejoindre des groupes armés. Les recruteurs eux, apprécient cette main-d'oeuvre sous contrôle, abondante, bon marché, amorale et déroutante pour l'ennemi. Car il ne faut pas s'y tromper: déstructurés par de macabres initiations à la violence, aliénés par la cruauté de leurs supérieurs, les Kadogos ou enfants-soldats sont de redoutables combattants capables de toutes les atrocités. Dans un rapport présenté à Kinshasa lors de la conférence de presse tenue à l'Ambassade du Canada l`ONG Watchlist, une organisation internationale de défense des droits de l`enfant en situation des conflits armés, affirmait que "3 000 autres enfants sont encore à démobiliser dans les groupes armés de la République Démocratique du Congo. Les Forces armées de la RDC (FARDC), les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et le CNDP du chef rebelle Laurent Nkunda et d`autres groupes armés opérant en République Démocratique du Congo sont cités par ce rapport comme utilisant des enfants soldats". Cinq mineurs, âgé de 14 et 15 ans, ont été enlevés entre le 31 mai et le 1er juin 2008 dans les localités de Luzira et Ishovu, à une quarantaine de km au nord de la capitale provinciale Bukavu. Ces enlèvements ont été organisés dans le cadre de "recrutements forcés d'enfants soldats par des Maï Maï".

Ce Kadogo est-il un enfant ou un soldat ?
D'après l'UNICEF plus de 30.219 enfants ont été démobilisés en République Démocratique du Congo depuis le lancement du programme national DDR.
Mais pour continuer à combattre les adversaires, on compte sur les enfants que l'on envoie au front. Les armées savent manœuvrer efficacement pour recruter un enfant. La plupart du temps, des militaires kidnappent les enfants dans les écoles, les stades, les églises et dans les rues. Certains n'ont alors que 7 ans. Parfois les enfants rejoignent volontairement les rangs de l'armée. En effet, que fait un enfant lorsque toute sa famille a été tuée et qu'il se retrouve dans la rue sans rien avoir à manger ? Eh bien il accepte de s'engager dans une fraction de l'armée en échange de repas quotidiens. Que fait cet enfant pauvre à qui l'on promet le paradis s'il donne sa vie pour son pays ? Que fait-il si on lui promet de belles bottes, des vêtements, de belles armes pour se sentir en sécurité et une famille remplie d'enfants ? A-t-il la possibilité de refuser l'enrôlement alors qu'à son âge il est totalement naïf et inconscient du danger qui le menace ?
Lucien Badjoko dans son livre "J'étais un enfant soldat" écrit avec l`aide de la journaliste française Katia Clarens, raconte son terrible expérience. Lucien Badjoko n`a pas grandi comme n`importe quel enfant. Un jour d`octobre 1996, il a quitté la maison familiale de Bukavu et, en sortant de l`école, a rejoint le mouvement rebelle de l'Afdl pour renverser Mobutu. A 12 ans, Lucien est devenu un enfant soldat, un Kadogo ("trop petit" en swahili). Je voulais être un héros dans l`histoire de mon pays. Il justifie son geste par la haine des forces armées zaïroises et sa fascination pour les films d`action qui lui ont donné l`envie de manier les armes. "Quand a commencé la rébellion pour faire tomber le Léopard, j`ai voulu m`engager. Je suis parti volontairement pour libérer ma famille et mon pays de la dictature", explique-t-il aujourd`hui. C`est avec cette idée naïve en tête qu`il débarque au centre de formation de Kagera, au Rwanda, où s`entraînent les rebelles. Des dizaines d`enfants, comme lui, y sont venus - de gré ou de force - apprendre à "jouer" à la guerre.
Mais, au centre, comme plus tard sur le front, Lucien découvre bien vite que ce n`est pas un jeu et que les enfants sont traités comme des adultes. Mêmes entraînements, mêmes mauvais traitements, mêmes armes. Pour supporter tout cela, Lucien n`a pas le choix : "Au matin du 11e jour [au centre], je me suis réveillé décidé à devenir un soldat. Un bon soldat. Je serais militaire. Oui. C`est sans doute grâce à cette décision que je ne suis pas devenu fou", écrit-il. Lucien a vécu deux guerres, a vu ses camarades sauter sur des mines ou se faire faucher par les balles. Il a tué, mutilé, torturé et a lui-même été très gravement blessé à plusieurs reprises. "A la guerre, les enfants ne craignent rien et sont les plus résistants. Ils sont facilement manipulables, obéissent aux ordres, ne connaissent pas la valeur de la vie et n`ont aucune conscience de la mort", précise-t-il.
A-t-il des remords ? " Je me pose la question tous les jours : suis-je un criminel, un héros, un innocent, une victime ? Je n`ai toujours pas trouvé de réponse... A 12 ans, on n`a pas toutes les capacités pour comprendre, on n`est pas responsable de ses actes. On applique, comme les adultes, le principe de la guerre : celui qui trouve l`autre le premier le tue. Et même si vous quittez la vie militaire, celle-ci reste toujours un peu en vous. Elle transparaît dans vos réactions, votre façon de voir et de gérer les choses. C`est une histoire sans fin." Lucien, qui avoue dans le livre avoir aimé " la musique des armes", chante aujourd`hui à la chorale de l`église catholique St Christophe, à Kinshasa. Il est toujours aussi croyant. Lui, qui a dormi dans la boue et la forêt, fait des études de droit à l'université de Kinshasa. Ancienne machine à tuer hantée par des cauchemars et les souvenirs de ceux qu`il a torturés, Lucien est "resté dur pour ne pas devenir fou". Il a reconstruit sa vie, loin de sa famille génétique. "J`ai perdu mon affection pour ma famille. Mes amis soldats, ceux qui ont partagé mes souffrances, sont plus proches de moi. Je vis dans l`hypocrisie. Mes amis proches connaissent mon histoire mais les personnes que je fréquente à l`université ignorent tout. Les gens ont du mal avec les militaires, si je leur disais ce que j`ai fait, ils auraient peur de moi".

"Enfant-Soldat",voilà deux termes tout à fait antinomiques, n'est-on pas soit un enfant? ou soit un soldat ?"
Ezra, le cinéaste nigérian Newton Akuaka signe un film poignant sur la vie d'un enfant soldat plongé dans la guerre en Sierra Leone. Du chaos provoqué par la guerre civile en 1990, qui a causé quelque 200.000 morts, la Sierra Leone se remet à peine.le cinéma s'était déjà emparé du sujet avec "Blood Diamond", sur ces "diamants de sang" dont le trafic finance conflits et autres coups d'Etat. Mais si la réalisation d'Edward Zwick, avec Leonardo Di Caprio, penchait davantage du côté du film d'aventure, "Ezra", pourtant sous la forme d'une fiction, est placé sous le signe de témoignage.Newton Aduaka, le réalisateur a choisi de filmer la complexité des situations dans lesquelles se retrouvent les enfants soldats à l'issue d'un conflit.
on découvre ainsi le parcours du jeune Ezra, qui tente de se reconstruire après avoir participé à des raids sanglants et des actes barbares. Toute la subtilité du propos de Newton Aduaka tient justement dans la complexité du traitement de cette réconciliation d'Ezra, avec lui-même et avec les siens. Comment juger ces enfants devenus à la fois victimes et bourreaux. le film s'ouvre avec une séance de la commission Vérité et réconciliation, une alternative intéressante qui privilégie la vérité des faits, le récits de l'histoire détaillé de l'histoire du pays et l'analyse de ses multiples dimensions politiques. Pour Ezra comme pour beaucoup d'autres enfants soldats drogués et endroctrinés jusqu'à la démence, il est difficile de se souvenir et de revenir sur les crimes atroces qu'ils ont été amenés à commettre sur les populations civiles.
Durant ce "procès de réhabilitation" auquel il participe, le jeune homme est invité à raconter son histoire, notamment comment il est enlevé à l'à¢ge de sept ans par des groupes armés, mais surtout à affronter sa sœur qui l'accuse de l'assassinat de ses propres parents.

Une scène du film franco-austro-nigérian de Newton I. Aduaka, "Ezra".
Si de nombreux textes et protocoles internationaux interdisent le recrutement et l`utilisation des enfants soldats, aucun n`en donne une définition précise et universelle. Toutefois, la grande majorité des ONG et des institutions onusiennes reprennent la définition des "principes du Cap" formulés par l`UNICEF et un groupe d`ONG lors d`une conférence en 1997 : un enfant-soldat est une personne, garçon ou fille, âgée de moins de 18 ans membre d`une armée gouvernementale ou d`un groupe armé, quel que soit son rôle, ou accompagnant de tels groupes, autrement qu`en tant que simple membre de la famille, ainsi que les filles recrutées à des fins sexuelles ou pour des mariages forcés. Cette définition de l`enfant-soldat ne s`applique pas aux seuls porteurs d`armes. Il inclut également les enfants qui occupent les fonctions de combattant, mineur ou démineur, éclaireur, espion, porteur, coursiers, gardes, sentinelles, cuisiniers, esclaves sexuels pour les jeunes filles, esclaves domestiques, etc. qu`ils aient été recrutés de manière volontaire ou forcée.
L`utilisation d`enfants dans des conflits armés n`est pas un phénomène nouveau. Le recrutement des enfants dans les groupes armés est sans doute aussi ancien que la guerre elle-même depuis le recrutement d`enfants-soldats à Sparte au IVème siècle avant JC jusqu`aux kamikazes juvéniles japonais de la deuxième guerre mondiale, en passant par les compagnies de cadets de Louis XIV et plus récemment pendant la guerre Iran-Irak, les guerres de Libération africaine, la révolution culturelle chinoise, le conflit en Irlande du Nord, en Colombie, en Palestine.... Mais le phénomène a pris une toute nouvelle ampleur depuis le début des années 1990. La conflictualité contemporaine, en effet, de nature plus intra-étatique qu`inter-étatique, autant que la prolifération des armes légères post-guerre froide, faciles à transporter et à utiliser pour un enfant, a non seulement induit un glissement des cibles militaires à des victimes civiles mais surtout elle a modifié la démographie des forces combattantes en favorisant la participation des femmes et des enfants.
Il est très difficile d`obtenir des certitudes quant au nombre d`enfants-soldats enrôlés dans des fores armées. Les Nations Unies estimaient à 300 000 le nombre d`enfants associés aux forces militaires nationales ou aux groupes armés d`opposition dans le monde, dont 100 000 en Afrique. Mais le phénomène des enfants soldats touche sans discrimination tous les continents : l`Asie, l`Amérique latine, l`Europe, le Moyen Orient. 20 à 30 000 enfants-soldats se trouveraient dans la seule République Démocratique du Congo (soit près de 10 % des enfants-soldats dans le monde). Bien que l`Afrique soit le continent le plus touché, la participation des enfants au conflit armé est un problème à l`échelle mondiale, depuis le Myanmar en Asie où l`on dénombre 70 000 enfants-soldats, jusqu`aux "Little Bees" de Colombie recrutés dans les groupes paramilitaires et les milices privés, aux bombes humaines juvéniles de Palestine, en passant par l`Europe et les enfants recrutés lors du conflit en ex-Yougoslavie. Nombreux, bon marché, malléables et facilement remplaçables, le recrutement des enfants soldats touche essentiellement des groupes vulnérables socialement (orphelins) ou économiquement.
La prévention du recrutement des enfants soldats !
Après plusieurs années de sensibilisation par l`UNICEF et les ONGs spécialisés, ce phénomène a généré une attention croissante, sensibilisant le plus haut niveau des instances internationales. Le Conseil de sécurité de l`ONU, l`Union africaine, l`Organisation des États Américains (OEA) et l`Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont unanimement condamné le recrutement des enfants-soldats. Il existe aujourd`hui à la fois un consensus international autour de la nécessité de condamner le recrutement et l`utilisation des enfants-soldats et une convergence des initiatives internationales pour un renforcement du cadre normatif légal existant.
Un renforcement du cadre légal !
Les Conventions de Genève de 1949, ses protocoles additionnels de 1977 et la Convention des Nations unies sur les Droits de l`enfant de 1989 jalonnent le cadre légal visant à empêcher l`utilisation des enfants dans les conflits armés. Depuis la fin des années 1990, un véritable arsenal de traités, résolutions et protocoles internationaux s`y est ajouté pour encadrer la protection de l`enfant-soldat. En l`espace de trois ans, quatre instruments clés ont été adoptés :
- le Traité de Rome portant création du Tribunal Pénal International en 1998 et qui range parmi les crimes contre l`humanité le recrutement ou l`utilisation d`enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés.
- la Convention internationale du travail n° 182 de 1999, édictée par l`Organisation Internationale du Travail, qui définit comme l`une des pires formes de travail forcé le recrutement des enfants soldats.
- Les différentes résolutions passées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies et condamnant le recrutement et l`utilisation des enfants soldats dans les conflits armés : les résolutions 1261 (1999), 1314 (2000) 1379 (2001), 1460 (2003), 1539 (2004) et surtout 1612 (2005) qui vise à mettre en place un mécanisme de surveillance et de collecte des données sur les enfants associés aux forces militaires et aux groupes armés et la violation de leurs droits.
- Enfin, le Protocole facultatif de la Convention des Nations Unies sur les Droits de l`Enfant qui élargit l`application de la limite minimum des 18 ans pour le recrutement obligatoire et la participation directe des enfants dans les conflits armés. Il est l`un des protocoles les plus ratifiés, signé selon les chiffres d`août 2004 par 155 pays et ratifié par 77 d`entre eux.
- En février 2007, s`est tenue à Paris une conférence internationale intitulée `` Libérons les enfants de la guerre » réunissant les représentants de 58 États participants. Elle avait pour objectif d`obtenir leur adhésion aux Engagements de Paris, qui instaurent des principes à la fois légaux et opérationnels pour protéger les enfants du recrutement et de leur utilisation dans les conflits armés et des Principes de Paris qui, eux, établissent un ensemble de principes liés à la protection des enfants, à leur libération des groupes armés et à leur réintégration dans la vie civile.

Enfants-Soldats. Victimes ou criminels de guerre ? Le journaliste français Philippe Chapleau se penche sur la question dans cet essai, paru aux Editions Le Rocher. Un essai qui revient notamment, chiffres et témoignages à l`appui, sur l`enrôlement des enfants soldats et les divers abus dont ils sont victimes.
Malgré l`adoption de ces nouveaux instruments juridiques et de ces mécanismes de protection au niveau international, on constate cependant un grand décalage entre la protection légale des enfants et la réalisation des engagements sur le terrain. En pratique, les violations des protocoles par des États les ayant ratifiés sont monnaie courante. Plus de la moitié des enfants soldats sont recrutés en Afrique en dépit de l`adoption de la Charte africaine des droits et du bien être de l`enfant, premier traité régional sur les droits de l`enfant entrée en vigueur en 1999. La ratification des instruments internationaux de protection a certes modifié les comportements : si en 1986, l`Armée de Résistance Nationale de Yoweri Museveni paradait ses enfants-soldats dans les rues de Kampala, aujourd`hui les groupes armés démentent les recruter. Mais l`impunité des recruteurs a encouragé le phénomène. En la matière, l`action de la communauté internationale s`est jusqu`à présent essentiellement limitée à une condamnation verbale des États et des groupes armés recruteurs par le Secrétaire général des Nations Unies.
Il existe cependant de nouvelles pressions comme celle de la Cour pénale internationale ou les autres Cours de justice nationale et internationale. En 2003, le procureur de la Cour spéciale de Sierra Léone, établie par les Nations Unies et le gouvernement sierra léonais en 2002, a émis les premiers actes d`inculpation. L`ancien président du Libéria, Charles Taylor, y est poursuivi pour plusieurs chefs d`accusation, dont celui de recruter des enfants soldats. En 2005, la Cour Pénale internationale a ouvert des enquêtes sur le recrutement des enfants dans les conflits Ougandais (Nord) et de la République Démocratique du Congo. Le 26 juillet 2005, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l`unanimité la résolution 1612 (2005) (S/RES/1612 (2005)) mettant en place un mécanisme de surveillance de l`utilisation des enfants dans les conflits armés qui prévoit le cas échéant l`application de sanctions.
Aujourd`hui, nous avons donc à notre disposition un cadre de référence principielle et les programmes de démobilisation prennent mieux en charge les enfants-soldats, et parmi eux notamment les jeunes filles-mères. Les normes communes ont été fixées et ont joué un rôle important dans la visibilité internationale du problème. Reste à entrer dans ce que le Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés, Olara Otunnu, appelle "l`ère de l`application". La réintégration des enfants soldats Il est en outre nécessaire d`associer cette protection de l`enfance à un traitement en profondeur des facteurs favorisant leur utilisation dans les conflits armés (effondrement socio-économique notamment). La réintégration des enfants-soldats constitue en la matière un défi majeur des sociétés post-conflictuelles. Si dans les programmes de désarmement, démobilisation, démilitarisation, rapatriement, réinsertion (DDDRR), les trois D sont menés sans trop de difficulté, le R en reste le point faible.
Fin 2003, des programmes de démobilisation et de réintégration avaient été mis en place dans une dizaine de pays (en Colombie, au Congo, au Rwanda, au Sierra Léone, en Somalie, au Soudan, en Ouganda, au Burundi, au Liberia au Sri Lanka). Entre mai 2001 et janvier 2002, près de 6900 enfants-soldats ont été démobilisés en Sierra Léone des forces rebelles et autres milices armées (48 000 combattants au total). Mais la confusion autour du statut à mi-chemin entre celui de victimes et de criminels des enfants-soldats, la question de leur responsabilité juridique autant que la question des opportunités économiques qui leur sont offertes après leur retour à la vie civile sont autant de difficultés à résoudre pour favoriser leur réintégration et empêcher leur re-recrutement. La réintégration des enfants-soldats est au cœur d`un complexe social, économique et militaire qui, pour réussir, doit s`articuler à une construction de la paix sur le long terme.
"Les enfants soldats sont parfaits parce qu`ils ne se plaignent pas, ne s`attendent pas à être payés et si tu leur dis de tuer, ils tuent". Ces propos brutaux d`un haut gradé de l`armée tchadienne résument crûment le drame de l`enfance volée, dénoncé par la coalition des principales ONG de droits de l`homme , dans un rapport qui vient de paraître. Un fléau qui touche des dizaines de milliers de garçons et de filles de moins de 18 ans, surtout en Afrique, mais aussi en Asie et sur les autres continents.
L`utilisation de mineurs dans les conflits armés est interdite depuis 2002 par le protocole facultatif à la Convention sur les droits de l`enfant, auquel ont adhéré les trois quarts des Etats de la planète. Mais la pauvreté, les violations des droits de l`homme et les discriminations sont un terreau propice au recrutement - de gré ou de force - d`enfants qui ont souvent peu d`alternatives.
Si bien que la mise en œuvre de cet instrument juridique est très lente, regrette la Coalition, tout en reconnaissant que quelques progrès ont été accomplis. Ainsi le nombre de conflits armés impliquant des enfants est passé de 27 à 17 en quatre ans - date du dernier rapport - et des dizaines de milliers d`enfants ont été libérés. Mais cette amélioration est surtout due à la fin de vieux conflits au Burundi, en Côte d`Ivoire, en Guinée, au Liberia, en Indonésie et au Népal, plutôt qu`à une véritable volonté de démobiliser les mineurs.
Groupes armés et armées régulières !
Le rapport souligne que la plupart des enfants sont recrutés par des groupes armés non étatiques qui agissent dans 24 pays. A côté des FARC, des Tigres tamouls et de l`Armée de résistance du Seigneur en Ouganda, des groupes moins connus opèrent au sud de la Thaïlande, aux Philippines, au Myanmar et en Inde. Victoria Forbes Adam, directrice de la campagne, note que "ces groupes représentent le défi le plus difficile à relever, car ils ne font souvent que peu de cas des normes internationales", même si certains se sont engagés à mettre fin à leur pratique barbare.
Mais les armées régulières ne sont pas en reste. Si le Myanmar remporte la funeste palme du pays qui envoie le plus de mineurs au combat, l`Ouganda, la République Démocratique du Congo, la Somalie, le Soudan, le Tchad et le Yémen font aussi figure de moutons noirs. En fait, dès qu`un conflit éclate, des enfants y sont presque systématiquement associé.
Dès lors, le grand défi est le désarmement, la démobilisation et la réinsertion d`anciens enfants soldats. Mais ces opérations sont difficiles et coûteuses et 14`000 anciens enfants soldats ont été exclus des programmes de réinsertion en République Démocratique du Congo.
Les jeunes filles sont les principales victimes !
Mais c`est pour les jeunes filles que la situation est la plus dramatique, qu`elles soient impliquées dans des combats ou affectées à des tâches domestiques. Victimes d`esclavage sexuel, de viol ou d`autres formes de violence, l`immense majorité d`entre elles ne bénéficient pas des programmes de démobilisation et de réinsertion. Au Liberia, seulement ¼ des 11`000 jeunes filles anciennes combattantes se sont enregistrées dans les programmes officiels de démobilisation. Les autres sont retournées dans leurs communautés en catimini, emportant de graves séquelles médicales, économiques et sociologiques. Les plus vulnérables sont les filles mères et leurs enfants, souvent nés de viols, qui continuent à être stigmatisés et rejetés par leurs communautés.
Une lueur d`espoir pourrait venir de la justice internationale. Même si elle avance trop lentement. Pour la première fois, le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a condamné l`année dernière quatre personnes qui avaient enrôlé des enfants soldats. Et la Cour pénale internationale va juger des responsables de groupes armés de République Démocratique du Congo et d`Ouganda accusés du même crime.