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mercredi 25 mars 2020

RDC: "Coronavirus", les prisonniers Congolais confinés et abandonnés à eux-mêmes !

RDC: "Coronavirus", les prisonniers Congolais confinés et abandonnés à eux-mêmes !

Freddy Mulongo, Réveil FM International

Freddy Mulongo-prison de Makala 3.jpg, mar. 2020

La prison centrale de Makala est le plus grand centre pénitentiaire de Kinshasa. Construite en 1958, alors que la capitale ne dénombrait que 500 000 habitants contre 13 millions aujourd’hui, elle compte près de 9000 prisonniers dépassant très largement la capacité d’accueil de 1500 places .

Le centre de détention de Makala est tristement réputé pour son état de délabrement et sa surpopulation, qui en font un véritable "enfer sanitaire". La prison de Ndolo est réservée aux personnes poursuivies ou condamnées devant les tribunaux militaires.

Le Coronavirus tue et décime des populations. Que dire des populations carcérales en République démocratique du Congo ?

Freddy Mulongo-prison de Makala 1.jpg, mar. 2020

A l’origine de cette surpopulation, le recours excessif à la détention préventive. L’article 17 al 1 de la Constitution congolaise dispose que la liberté individuelle est la règle et la détention l’exception. Mais en réalité, 70 à 80 % des prisonniers sont des détenus préventifs. La plupart d’entre eux moisissent depuis des mois à Makala sans jamais avoir été présentés à un magistrat.

Freddy Mulongo-prison de Makala Mike-Mukebayi.jpg, mar. 2020

A Makala, la chaleur y est étouffante. Les corps en sueur sont allongés à même le sol et rares sont ceux qui peuvent s’offrir des matelas. Les détenus vivent dans la misère la plus sombre. Ils se retrouvent parfois à 500 dans une salle de 20 mètres sur 30 mètres. Ils dorment à même le sol et doivent se soulager dans des seaux. Leur nourriture se compose souvent d’un seul repas par jour à base de quelques haricots ou de feuilles de manioc. Certains se font apporter leur repas par leur famille, mais souvent les gardiens les gardent pour eux.

Tout se paie à la prison de Makala. La cellule, la sécurité, les téléphones portables ("pour pouvoir en posséder un, il faut payer au moins 200 dollars par trimestre aux policiers qui improvisent des fouilles") et même la possibilité d’avoir un peu de compagnie. La vie en détention y apparaît anarchique, sans policiers, directement encadrée par les prisonniers les plus âgés. Sans réelle surveillance ni contrôle, les évasions sont courantes. Les conditions sanitaires y sont catastrophiques: 150 personnes dans une salle de moins de 30m² par une rude chaleur.

Au cours de son allocution pour imposer le confinement aux populations congolaises affamées, sans soins ni infrastructures... pas un mot d'Angwalima Tshilombo, bénéficiaire de Nomination Électorale, pantin, marionnette et masque d'Alias Kabila...sur les prisonniers Congolais avec cette pandémie de Coronavirus. Grand Voleur du destin du peuple congolais avec son putsch électoral, Angwalima Tshilombo Félix Tshisekedi déclarait le 24 janvier 2019 vouloir " défendre la Constitution" et travailler à la construction d’un " Congo réconcilié".

Doivent-ils mourir parce qu'ils sont prisonniers ? Quelles sont les mesures prises pour les centres de détentions en RDC ? Rien ! Avec la pandémie du coronavirus, ce ne plus le désengorgement de prisons, qui est urgente mais c’est la réorganisation pénitentiaire de la République démocratique du Congo.

Partout en République démocratique du Congo, la situation des centres pénitentiaires est alarmante. Sur les quatre-vingt que compte le Congo: la malnutrition, les mauvaises conditions d’hygiène et le manque d’accès aux soins que subissent les détenus congolais sont monnaies courantes. A l’exception de la prison de Luzumu, située dans la province du Kongo central et dont la construction a été financée par l’Union européenne, les conditions de vie sont infernales. 

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mardi 20 mai 2008

Les " Sans-Voix " de la République Démocratique du Congo

En 2005, l'ex-premier ministre Dominique de Villepin avait reçu à  Matignon Maitre Liévin Ndondji, coordonateur de la coalition contre la peine de mort pour la remise du prix des droits de l'homme de la République Française

Lorsque le gouvernement de la République Démocratique du Congo laisse mourir ses officiers, après les avoir torturé cela est plus grave. Dans un article, daté 14 novembre dernier, la section canadienne d`Amnesty International, écrivait sous le titre `` Des soins médicaux urgents pour major Yawa Gomonza et le colonel Paul Ndokay» que ces deux officiers supérieurs de l`armée congolaise ont un besoin urgent de soins médicaux suite aux sévices corporels qu`ils ont subis dans les cachots de la Direction des renseignements généraux et services spéciaux de la police (DRGS). Amnesty International Canada tirait déjà  la sonnette d`alarme sur le fait que les deux hommes sont détenus sans qu`une information judiciaire n`ait été ouverte à  leur charge. La mort du major Yawa Gomonza fait suite à  d`autres décès survenus parmi les détenus du CPRK : celui du caporal Saolona Denango, mort le 23 avril 2008, celui du sergent Mombili Ekutshu, mort le 13 février 2008, et celui de Léonard Nyembo, mort le 30 janvier 2008. Ces personnes appartenaient à  un groupe de détenus, militaires pour la plupart, qui ont été arrêtés entre fin 2006 et avril 2007. " Enquête dans les couloirs de la mort de Kinshasa, Lubumbashi, Buluwo, Kindu et Goma" est un rapport des missions d'enquête judiciaire mené en 2005 et 2006 de trois missions successives dans l'Afrique des Grands Lacs, rédigé par Maître Liévin Ngondji Ongombe, avocat et Coordonateur de la coalition congolaise contre la peine de mort et Maela Bégot sociologue. Nous publions une partie de l'enquête notamment sur la situation des prisonniers du pavillon 2 du Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK). La situation au CPRK s'est-elle améliorée depuis cette enquête? A chacun de se faire une opinion sur la situation des détenus de la prison de Makala, cette dernière n'a jamais évolué vers un Centre Pénitentiaire et de Rééducation.

Maélo Bégot, sociologue et Maître Liévin Ngondji, coordonateur de la coalition congolaise contre la peine de mort, après la réception du prix des droits de l'homme de la République Française à  Matignon

La militarisation de la société

La RDC est une société très militarisée : déjà , le pouvoir de Mobutu reposait largement sur l`armée et les forces de sécurité, fortement politisées. Aujourd`hui encore, le nombre de militaires en RDC est particulièrement élevé. à€ partir de là , deux facteurs principaux semblent selon nous expliquer le fait que seules les juridictions militaires condamnent à  mort en RDC: d`une part la paupérisation des militaires et la criminalité au sein de l`armée, ensuite la circulation très importante d`armes dans ce pays

La militarisation de la justice au mépris des droits humains

Déjà  sous Mobutu, la justice militaire disposait de pouvoirs très importants, notamment la possibilité de juger des civils. La militarisation de la justice s`est accentuée lors de la guerre, où des pouvoirs démesurés ont été accordés à  la justice militaire. La Cour d`ordre militaire, créée en 1997, et qui avait le pouvoir de juger des civils, s`est illustrée par le nombre particulièrement élevé de peines capitales prononcées, après des procès iniques. La Com a été supprimée en 2003, cependant les pouvoirs de la justice militaire en RDC restent toujours démesurés.

Les militaires, des prédateurs pour les Congolais

Les militaires ont toujours été considérés par les Congolais comme des personnes dangereuses. Déjà , durant la colonisation, l`armée avait été mise en place par le pouvoir colonial afin de réprimer les colonisés et assurer l`exploitation des ressources naturelles du pays. Sous Mobutu, le mépris du droit et la répression des populations civiles caractérisaient le comportement des Forces armées zaïroises. Malgré les promesses de Laurent-Désiré Kabila, la situation ne s`est pas améliorée en RDC, d`autant plus que l`État congolais paie très irrégulièrement les soldes des militaires. Le nombre important de soldats conjugué à  un État défaillant qui ne paie pas ses agents, a abouti à  ce que les militaires et policiers congolais deviennent de véritables prédateurs pour la population, vivant du racket, de la corruption et même du pillage.

La plupart des militaires vivent dans la misère, et leur mode de subsistance consiste à  utiliser le pouvoir symbolique de leur uniforme, celui bien réel de leur arme, et les menaces d`arrestation pour voler un peu d`argent à  la population. Tout prétexte est bon pour extorquer de l`argent: la liberté de circulation de chaque citoyen est constamment entravée par le racket effectué par les militaires et la police ;jusqu`au simple agent de circulation qui demande de l`argent à  chaque voiture qu`il arrête.

Et les exactions des militaires ne se limitent pas au racket, et peuvent aller jusqu`au pillage en bande organisée et au meurtre. En 1993, des pillages à  grande échelle dans tout le pays, ont été menés par les militaires de l`armée congolaise pour protester contre le non paiement de leur solde, ou contre une solde insuffisante à  satisfaire leurs besoins vitaux car payée dans une monnaie sans valeur aucune. Ces pillages ont visé non seulement les industries et commerces, mais aussi les ménages.

La pauvreté est toujours la même aujourd`hui: un militaire congolais reçoit 12 dollars par mois. Cette criminalisation des militaires, d`autant plus facile qu`ils sont armés, est aussi l`une des raisons pour laquelle beaucoup de soldats se retrouvent face à  la justice pour des crimes passibles de la peine capitale, comme le meurtre ou l`assassinat mais aussi le vol à  main armée ou l`association de malfaiteurs, qui selon les listes que nous avons obtenues dans les prisons, sont les infractions pour lesquelles le plus grand nombre d`individus est condamné à  mort.

La prolifération des armes légères : l`armement des civils

En outre, de nombreuses armes de guerre circulent en RDC. Leur prolifération, issue de la fin de la période coloniale d`abord, puis de la guerre froide et des différents conflits qui ont déchiré l`Afrique des Grands Lacs dans les années 1990, est impressionnante. Les armes légères notamment: faciles à  manier, peu chères, faciles à  transporter et à  entretenir, c`est un équipement de choix pour les groupes rebelles, les combattants faiblement organisés et entraînés, ou les bandits.

En conséquence, de nombreux civils parviennent aussi à  se procurer de telles armes, d`autant plus qu`à  l`intérieur même du Congo- Kinshasa leur échange est aisé entre civils et militaires : c`est ainsi que suite à  la désintégration du régime de Mobutu en 1997, de nombreux soldats ont vendu leurs fusils et pistolets pour gagner un peu d`argent. Par ailleurs dans l`est du pays, notamment dans le Nord-Kivu, territoire contrà´lé par les ex-rebelles du RCD, des armements ont été distribués à  la population par les autorités locales : il existe dans cette province des Local Defense Forces, groupes paramilitaires contrà´lés par l`État, sur le modèle rwandais, officiellement appelés `` Unités d`autodéfense et de développement », qui selon les autorités locales auraient compté près de 30 000 personnes, souvent recrutées de force, comme le cas de Jean Nguba, condamné à  mort de Goma évoqué plus tà´t, nous l`a montré.

Par ailleurs, selon Human Rights Watch, toujours dans le Nord-Kivu, en 2004, des armes ont été distribuées dans les campagnes sur volonté du gouverneur de province, afin de créer `` une nouvelle réserve de civils armés disponibles pour exécuter les ordres du gouverneur et pour aider à  conserver le contrà´le sur le Nord-Kivu face à  de possibles avancées du gouvernement de transition et de ses troupes40 ». Les civils s`opposant à  cette distribution étaient menacés ou tués. Ces armes ont été détournées en partie pour des crimes ou des pillages, et ont très fortement augmenté l`insécurité dans la région.

Des fusils auraient même été distribués à  des enfants de 10 ans, et des Kalachnikovs à  des jeunes hommes d`à  peine 16 ans. Or, la Com avait la capacité de juger toutes les infractions à  main armée, même commises par des civils. Aujourd`hui encore, les civils peuvent être poursuivis devant les juridictions militaires pour utilisation d`armes de guerre. Comme pour les militaires, la plupart des civils condamnés à  mort en RDC le sont pour meurtre ou vol à  main armée, et on peut facilement comprendre à  quel point la circulation des armes légères au Congo est aussi l`une des raisons pour laquelle tant de civils se sont retrouvés devant la Com et les juridictions militaire.

L'écriteau sur ce fronton correspond-t-il aux réalités que vivent et subissent les détenus du CPRK?

1 CPRK, Pavillon 2 : le couloir de la mort kinois

Pour le visiteur qui pénètre dans le Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK), la première impression est assez surprenante : les détenus circulent à  l`extérieur de leurs blocs, certains cultivent de petites parcelles, d`autres vendent des friandises, jouent au football ou aux cartes. Aucun gardien ne surveille l`intérieur de la prison, les détenus semblent disposer d`une grande liberté au sein du centre pénitentiaire.

Pour peu qu`on entre au CPRK un jour de visite, les cris des enfants, les rires des femmes, et les tenues aux couleurs vives des prisonniers, bleue et jaune aux couleurs du drapeau congolais42, forment un tableau plutà´t sympathique. Le visiteur est d`ailleurs accueilli par un avertissement, écrit sur les murs autrefois blancs de la prison : `` Le CPRK tient au respect d`instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains. »

Pour le visiteur extérieur, qui s`attend à  entrer en enfer, cette première impression est rassurante, mais elle est fort trompeuse. La capacité d`accueil du CPRK est de 1500 personnes. Actuellement, 3300 prisonniers y vivent, réparties dans 12 pavillons, dont certains sont inutilisables, ce qui accentue les problèmes de surpopulation43. Les pavillons `` en bon état » regroupent chacun plus de 300 personnes. Les cellules d`à  peine 10 m2 peuvent rassembler jusqu`à  une dizaine d`individus. Seuls les plus favorisés disposent de matelas ou de couvertures. De nombreux détenus souffrent de la tuberculose, de la malaria ou du sida et n`ont accès à  aucun traitement. Les plus malades meurent sur place, faute de moyens de transport pour les amener à  l`hà´pital. La nourriture est insuffisante, et les détenus qui ne sont pas aidés par leur famille souffrent de malnutrition.

S`il y a effectivement très peu de gardiens au sein de la prison, la garde présidentielle assurant la sécurité seulement à  l`extérieur, ce sont les détenus eux-mêmes qui assurent l`ordre et la sécurité, d`une manière très autoritaire et coercitive, selon une organisation calquée sur le modèle militaire, créant un ordre arbitraire et violent auquel doit se plier tout condamné. L`impression de liberté qu`on peut avoir en entrant au CPRK est erronée. Tout déplacement au sein même de la prison est surveillé, négocié, voire monnayé auprès des autorités implantées au sein de la prison par les autorités pénitentiaires. Parmi les 3 300 détenus du CPRK, environ 160 hommes sont condamnés à  mort. Ils sont regroupés dans un pavillon : le pavillon 2.

Organisation du CPRK : le modèle militaire comme référence Organisation spatiale de la prison : localisation des condamnés à  mort

Les condamnés à  mort de Kinshasa sont regroupés dans le pavillon 2 du CPRK. Seul un petit nombre de condamnés à  mort est logé ailleurs : il s`agit des personnes condamnées à  mort pour l`assassinat de Laurent-Désiré Kabila. Ils sont une trentaine regroupés au pavillon 1. Ce pavillon leur était réservé exclusivement mais suite à  un ouragan qui a endommagé certains bà¢timents, les condamnés à  mort du procès Kabila ont été regroupés au 1er étage, et des détenus de droit commun occupent le rez-de-chaussée. De plus, certains condamnés à  mort qui étaient des personnalités politiques importantes, comme Charles Alamba, le procureur général de la Com, accusé d`assassinat, sont détenus au pavillon 8, qui regroupe d`anciennes autorités civiles ou militaires, qui vivent leur détention dans des conditions privilégiées. Les cellules du pavillon 2 sont réparties sur deux étages : au premier étage se trouvent les prévenus .44, c`est-à - dire ceux qui n`ont pas encore été jugés mais sont accusés de crimes passibles de la peine capitale, et au second étage sont regroupés les condamnés.

Il y a dans ce pavillon, selon les chiffres fournis par les détenus eux mêmes mais sur lesquels ils semblent hésiter, tout comme l`administration pénitentiaire, environ 160 condamnés à  mort et 185 prévenus, dont certains attendent d`être jugés depuis plusieurs années. L`auto-surveillance des prisonniers : l`ordre arbitraire du CPRK L`organisation des détenus du CPRK est fascinante par sa complexité et, d`un certain point de vue, son efficacité. Mieux vaut marcher au pas au CPRK.

En effet, l`administration pénitentiaire n`ayant pas les moyens d`embaucher un nombre suffisant de gardiens, ce sont les détenus eux-mêmes qui assurent l`ordre et la sécurité. Et s`il est vrai que la société kinoise et congolaise dans son ensemble invente de nouvelles formes d`organisation sociale pour pallier la faillite de l`État-nation45, notamment en prenant en charge certains services publics habituellement assurés par l`État, l`organisation du CPRK ne relève pas de cette logique.

Cette organisation ne relève pas de l`initiative des prisonniers : les détenus disposant de responsabilités au sein de la prison sont désignés par les autorités pénitentiaires, ce système est initié et contrà´lé par les autorités de l`État. C`est une stratégie étatique pour pallier le manque de moyens, d`autant plus que la prison de Kinshasa est essentiellement peuplée d`anciens agents de l`État, de militaires qu`il n`est donc même pas besoin de former.

La hiérarchie au sein du CPRK est calquée sur la hiérarchie militaire, dans la mesure où la majorité des détenus sont d`anciens militaires : au niveau de la prison, il existe un `` état-major général » qui donne ses directives concernant la sécurité au sein de la prison. L`autorité la plus haute, parmi les détenus, est le Capitan général, qui sert de relais entre les autorités pénitentiaires officielles et les détenus. Il existe aussi, au niveau de la prison un `` comité d`encadrement ».

Cette hiérarchie se prolonge dans chaque pavillon. Ainsi dans le pavillon 2 il existe un gouverneur- assistant chargé de l`administration, un inspecteur titulaire, un inspecteur adjudant, un commandant de police militaire, un comité local de sécurité, et 30 PM (pour `` Police militaire », ce sont des détenus chargés de la sécurité et ils circulent armés de bà¢tons).

Tous sont donc des condamnés à  mort ou prévenus passibles de la peine capitale. La structure est la même dans chaque pavillon. Le gouverneur du pavillon 8, ancien gouverneur du pavillon 2, condamné à  mort, est surnommé `` Mobutu », surnom qui en dit long sur ses états de fait en tant que gouverneur, et qu`il explique par le fait qu`il est très à  cheval sur le règlement pénitentiaire. Il nous décrit le fonctionnement du CPRK: `` C`est nous qui nous surveillons nous-mêmes. Le garde reste dehors et il a les clés, c`est tout. (…) Moi, en tant que gouverneur, je dois faire un rapport sur le comportement de chacun aux autorités pénitentiaires 46 » Les autorités pénitentiaires, qui n`ont de toute façon pas les moyens de payer des gardiens, disposent ainsi d`une véritable `` milice de détenus » qui, en l`échange de quelques privilèges47 (cellule personnelle, nourriture plus abondante, droit de visites plus fréquents48…), assurent la sécurité au sein de la prison, comme nous l`explique l`Inspecteur général du CPRK, condamné à  mort : `` Moi je suis inspecteur général, le troisième prisonnier dans toute la prison.

Ma tà¢che en tant qu`inspecteur c`est d`encadrer les gens, c`est la sécurité, la propreté, le contrà´le des visiteurs, pour interdire le désordre (…). J`ai des privilèges en contrepartie : les autres ont un gobelet de nourriture et moi j`en ai cinq ; j`ai accès à  des zones où les prisonniers ne peuvent pas aller, comme les cuisines, le bureau de la direction où je peux aller sans audience.

Je peux sortir du pavillon de 6h30 à  18h00, je rentre le dernier après tout le monde.49 » Il existe également un service antidrogue, un service antigang, composés uniquement de détenus : `` Il n`y a que deux activités qui sont organisées en prison: le service antidrogue, chargé d`arrêter les vendeurs et fumeurs de drogue, et le service antigang chargé de punir les personnes qui se conduisent mal. Mais en réalité ce sont des services qui sont chargés de maltraiter et de tuer.50 »

Ce sont les autorités pénitentiaires qui choisissent les détenus appelés à  avoir une fonction d`autorité au sein de la prison, et les nomment. Le gouverneur du pavillon 8, ex-gouverneur du pavillon 2, nous explique pourquoi il a été choisi :

`` J`ai été désigné gouverneur grà¢ce à  mon comportement. Je suis strict sur l`application du règlement pénitentiaire et je respecte le personnel pénitentiaire. C`est suite à  ma soumission que les autorités m`ont fait confiance.51 » Il est assez frappant de constater que, parmi les détenus chargés de l`ordre et de la sécurité, au niveau de la prison, notamment du comité d`encadrement, figurent un grand nombre de condamnés à  mort et de longues peines.

Ainsi, au niveau de la prison, le capitan général est condamné à  perpétuité, le commandant général est un condamné à  mort, et l`inspecteur général est aussi un condamné à  mort. Cela s`explique d`une part par leur longévité dans la prison, mais aussi sans doute par la peur de la peine, plus forte que chez les autres détenus, et donc par l`espoir que ce `` bon comportement » entraîne un adoucissement de leur sentence, comme l`explique le gouverneur du pavillon 2 : `` Depuis la fin des exécutions, il y a eu un grand changement, nous avons retrouvé la confiance par rapport à  notre réintégration dans la société et nous voulons montrer que, malgré nos fautes ou nos prétendues fautes, nous avons beaucoup changé et nous pouvons nous réintégrer dans la société.

Nous le montrons par notre dévouement. De plus, s`il y a des évasions, nous serons les premiers abattus.52 » Comme nous l`explique un autre condamné à  mort : `` Nous avons changé. Dans la prison ici, ce sont les condamnés à  mort qui sont les plus disciplinés et les plus sociables.53 » Ainsi, lorsque le directeur de la prison a été agressé et pris en otage par des prisonniers en décembre 2004, ce sont les condamnés à  mort du pavillon 2 qui l`ont défendu.

De même, lorsqu`il s`est fait agresser au pavillon 2, Charles Alamba54 nous a expliqué avoir été protégé par les condamnés à  mort, ce qui est paradoxal étant donné que, en tant qu`ancien procureur général de la Com, il est responsable d`une grande partie des condamnations à  mort des détenus du CPRK, et déchaîne une haine très forte contre lui : `` Quand je suis entré ici en prison pour la première fois, tout le monde criait, “il faut le tuer!”.

Un jour des gens se sont rués sur moi pour me rouer de coups, tout le monde me frappait, je ne savais pas qui. Certaines personnes m`ont protégé en faisant une haie autour de moi, ce sont les condamnés à  mort eux-mêmes qui sont venus me protéger, j`ai été étonné.

Mais il y avait une dissension, certains voulaient me protéger, d`autres voulaient me tuer.55 » Charles Alamba, dont la vie était menacée au pavillon 2, a cependant dà» être changé de pavillon. Outre le fait d`assurer la surveillance et la sécurité de la prison, ce sont aussi ces autorités composées de détenus qui font le lien avec les autorités pénitentiaires, et jouent parfois le rà´le du greffe en recensant les prisonniers, les appels, en prévenant les prévenus de leur comparution.

Ce sont aussi les détenus qui s`occupent dans une certaine mesure des questions de santé : chaque pavillon dispose d`un adjudant-malade qui recense les malades ou assure l`organisation en cas d`urgence de nuit. Certains détenus travaillent au dispensaire. Ces même prisonniers peuvent prendre la décision de placer un détenu en cellule d`isolement, et font des rapports aux autorités sur les détenus qui, selon leurs critères, se conduisent mal.

Il est facile d`imaginer l`arbitraire que ce système engendre, et que dénoncent certains condamnés rencontrés : `` Ceux qui veulent être bien vus par les agents de l`administration pénitentiaire tabassent les condamnés à  mort.56 » `` Parfois on est enfermé dans la cellule, on a besoin d`aller au soleil, et l`autorité que le directeur a implantée dans la prison, parmi nous-même les prisonniers, nous empêche de le faire. Quand on a une portion de pouvoir, on fait ce qu`on veut.57 » `` Mais en réalité ce sont des services [le service antigang et le service antidrogue] qui sont chargés de maltraiter et de tuer.58 » En outre, cette hiérarchie au sein de la prison est double : il y a donc d`abord les fonctions acquises au sein de la prison, calquées sur l`organisation militaire, `` pour maintenir la discipline », mais il y a aussi les grades qui étaient ceux des hommes qui sont désormais des détenus, à  l`extérieur de la prison, et qui sont toujours respectés. Comme nous l`explique le Colonel Eddy Kapend, principal accusé du procès Laurent-Désiré Kabila : `` Ici en prison il y a environ 2 800 militaires, tous sont mes subalternes, je les ai formés et ils me doivent un respect particulier. Mais d`un point de vue légal je ne suis pas leur chef.59 » Il y aurait selon lui un `` gouvernement légal et un gouvernement parallèle ».

Toujours est-il que la prison de Kinshasa est un espace de non-droit qui invente ses propres règles, un état d`exception permanent, sans contrà´le extérieur, où l`administration pénitentiaire est son propre législateur. Conditions humanitaires du pavillon 2 : `` la mort à  petit feu » Les conditions humanitaires dans lesquelles vivent les condamnés à  mort au CPRK sont catastrophiques : la nourriture est insuffisante, les soins et les médicaments inexistants, l`hygiène déplorable. Il semble que, du point de vue de l`hygiène, de la santé et de l`alimentation, les condamnés à  mort soient à  peu près soumis au même régime que les autres détenus.

Notre enquête s`étant limitée au quartier des condamnés à  mort, il ne nous a pas été possible de mener la comparaison. Mais tous les rapports sur les prisons de RDC écrits par diverses ONG ou institutions internationales, notamment par la Section droits de l`homme de la Monuc ou de nombreuses ONG congolaises, mettent en évidence une situation humanitaire infernale pour l`ensemble des prisons et des détenus, peu importe leurs peines.

Cependant, une grande partie des condamnés à  mort du CPRK que nous avons interrogés nous ont expliqué qu`ils étaient les plus mal traités. L`un d`entre eux nous a décrit le pavillon 2 comme celui des `` laissés pour compte, ouvert en dernier, fermé en premier, toujours le plus mal servi ». Hygiène et nourriture dans le pavillon 2 Le repas, servi une fois par jour60, à  15 heures, est composé de Vungure, c`est-à -dire un mélange de maïs et de haricots. La portion, servie dans un gobelet, est insuffisante, et il arrive qu`aucune nourriture ne soit servie plusieurs jours à  la suite.

Seuls les détenus qui ont de la famille qui peut les aider échappent donc à  la malnutrition : en effet si les visites n`ont lieu que trois fois par semaine, il est possible de déposer de la nourriture tous les jours.

Cependant, de nombreux prisonniers ne sont pas originaires de Kinshasa, notamment les longues peines et les condamnés à  mort, et n`ont donc aucun proche qui puisse les aider dans la capitale. Certains se débrouillent en vendant quelques produits qu`ils obtiennent de l`extérieur ou en cultivant de petites parcelles à  l`intérieur de la prison et en vendant les légumes qu`ils produisent ainsi. Mais encore faut-il pouvoir payer les parcelles et les graines.

Certains prisonniers, qui ne possèdent pas de terre, cultivent les parcelles pour d`autres, ou réalisent de petits travaux pour des détenus ayant plus de moyens, comme laver les assiettes ou les habits, c`est `` la débrouille » : `` Il faut noter qu`il y a des jours où nous n`avons rien à  manger et ça peut faire parfois une semaine. C`est vraiment dur, il n`y a que les gens qui ont de la famille qui résistent. En effet, avec l`argent qu`on leur donne, ils achètent des “résistances de réchaud” qu`ils louent à  ceux qui n`en ont pas, juste pour préparer.

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Le tarif est de 10 FC pour une cuisine qui ne traîne pas, et 20 FC pour les haricots.61 » Le CICR distribue parfois des couvertures ou de la nourriture, ainsi que certaines associations religieuses. Les prévenus militaires ont selon la loi congolaise, le droit de bénéficier de leur solde tant qu`ils ne sont pas encore condamnés par un jugement définitif, mais en pratique un grand nombre d`entre eux ne reçoit rien. La situation nous a été clairement résumée par un condamné à  mort du procès Kabila, `` au CPRK, l`État est démissionnaire62 ». En terme de santé, tous les condamnés à  mort que nous avons interrogés déplorent le manque de médicaments. Au pavillon 2, les tuberculeux, regroupés dans la cellule 12, ne reçoivent de médicaments que grà¢ce à  l`assistance des associations religieuses.

En outre, il n`y a pas de moyens de transport pour amener les malades à  l`hà´pital, parfois le directeur utilise sa jeep personnelle, mais dans la plupart des cas les plus malades meurent en prison. En ce qui concerne l`hygiène, les problèmes sont tout aussi nombreux. à€ l`étage des prévenus, il y a une seule toilette et une seule douche pour 185 personnes. Les condamnés à  mort donnent dix francs par jour pour avoir du savon, mais tous ne peuvent pas payer. Les bassines ont été données par la Croix-rouge.

Et si les habitants du pavillon 2 ont réservés une cellule pour les tuberculeux, ils partagent les mêmes sanitaires, et tous s`en plaignent car la tuberculose est une maladie extrêmement contagieuse. Eddy Kapend, ancien chef d`état-major particulier de Laurent-Désiré Kabila, condamné à  mort lors du procès pour l`assassinat de ce dernier, fait même une comparaison entre cette situation humanitaire déplorable et la peine de mort : `` Je n`ai jamais redouté l`exécution, mais on ne devrait pas nous emprisonner avec ceux qui sont malades, qui ont la tuberculose, et nous empêcher d`avoir des soins. Nous tuer à  petit feu, ça c`est là¢che. Si c`est un poteau et une balle, s`ils pensent que c`est légitime, OK, mais cette méthode de là¢cheté, je la dénonce.63 » Il parle même à  ce sujet de `` torture psychologique », et lorsqu`on lui demande des précisions, il nous explique : `` Refuser de nous donner des soins c`est nous dire, “tu es déjà  condamné à  mort, pourquoi veux-tu aller te faire soigner, le médecin, les médicaments, c`est du gaspillage, attends ta mort”. C`est comme ça que nous interprétons toutes ces choses et c`est horrible.64 »

De même pour Mutindi Kitambaba, lui aussi condamné à  mort pour atteinte à  la sà»reté de l`État lors du procès des assassins de L.-D. Kabila, `` l`exécution de la peine se fait à  petit feu ». Ce sentiment, très présent chez les condamnés à  mort du procès Kabila, s`explique aussi par le fait que l`un des 27 condamnés à  mort du procès Kabila, Nico Bavura est mort après plusieurs mois sans soins, et a été acheminé à  l`hà´pital alors qu`il était déjà  moribond.

L`inactivité et ses répercussions psychologiques sur les condamnés à  mort Un autre problème que rencontrent les prisonniers est celui de l`inactivité, qui leur laisse beaucoup de temps pour vaquer à  leurs pensées : `` Je suis là  dans ce lieu de rééducation où on ne rééduque personne et je ne fais rien. Je ne fais rien parce qu`il n`y a aucune activité pour occuper les prisonniers.65 » Habituellement les grilles sont ouvertes vers 7 heures et les condamnés doivent rentrer dans leurs cellules vers 15 heures, `` avant même la poule que Dieu a créée » selon l`expression d`un détenu. `` - Pouvez-vous nous relater une de vos journées ? - On n`a pas grand-chose à  faire. Quand on ouvre les grilles on est dehors, et le soir on rentre au pavillon. (…) Mais il y a des jours où les gardiens nous laissent dans le pavillon sans nous ouvrir la grille.66 » Selon l`article 64 du Régime pénitentiaire, le travail est obligatoire pour les détenus des prisons et des camps de détention, mais au CPRK, si on excepte les petits travaux de maraîchage auxquels les prisonniers peuvent s`adonner pour améliorer leur ordinaire ou les menus travaux qu`ils réalisent pour d`autres, les prisonniers ne travaillent pas.

Il existe juste un atelier-boulangerie géré par le directeur. Les détenus peuvent aussi jouer au football ou au volley. La possibilité d`affecter des prisonniers à  des travaux d`intérêt général est reconnue par le droit congolais, mais pas utilisée67. Certains prisonniers sont cependant forcés de participer à  l`entretien de la prison : `` Les nouveaux venus sont soumis à  des travaux de propreté. Ce baptême est fait pendant 45 jours.68 » Et ce baptême semble même parfois s`apparenter à  un véritable racket des nouveaux venus au sein de la prison, forcés de travailler sans rémunération ou contrepartie, voire de payer : `` - Devez-vous travailler ? - Non, mais quand je suis arrivé en prison on m`a soumis à  certains travaux de balayage des couloirs et de nettoyage des toilettes. C`est le baptême que tout nouveau venu doit subir. En plus, il fallait payer 150 FC pour entrer dans une cellule.69 » Quelques ONG ou organismes de coopération bilatérale organisent des ateliers, sur le SIDA ou les droits de l`homme, mais cela reste rare. Et si tous les prisonniers souffrent du manque d`activité, il est clair que l`ennui a des répercussions psychologiques particulières sur les condamnés à  mort.

Ils ont le temps de penser à  leur peine, à  l`exécution, de réfléchir à  la situation politique et aux circonstances que cela peut avoir sur leur sort : `` Nous parlons de ça [des exécutions] car nous n`avons pas d`activités, nous parlons de notre sort, surtout qu`à  une époque on nous a dit qu`on n`exécuterait plus les gens puis on est revenu à  ce système, donc nous n`avons aucune assurance de ne pas être exécutés.70 » L`isolement cellulaire, une souffrance systématiquement imposée aux condamnés à  mort Les condamnés à  mort sont systématiquement placés en isolement cellulaire à  leur arrivée au CPRK, car ils sont considérés comme étant dangereux du fait de la condamnation qui leur a été infligée.

Cet isolement cellulaire peut durer plusieurs mois, voire une année, et les détenus en isolement vivent dans des conditions très difficiles, comme nous l`explique l`un des plus anciens condamnés à  mort du CPRK, jugé en 1998 : `` Oui, j`y suis resté un an, dans une petite chambre, avec un robinet et un WC, c`est tout. On n`ouvrait la porte que pour nous donner à  manger. On n`avait pas de matelas, on était 14 personnes en isolement, dans 14 cellules différentes. Pendant un an, je ne suis pas sorti du tout.71 » Et selon Papy Baivenga Lendo : `` J`ai fait deux mois en cellule. (…) La situation était critique, on nous confisquait la nourriture qui se prépare ici, le “vungure”, qu`on gardait pendant deux jours et qu`on nous donnait quand il était moisi.72 » Selon Kakebo Biazo Dadi, originaire de la province de l`Équateur, il arrive qu`il y ait des décès en cellule : `` Je suis resté en cellule trois mois fermes, je mangeais en cellule parfois deux fois par semaine, et d`autres qui étaient avec moi sont morts en cellule.73 » Les condamnés à  mort du procès Kabila sont restés longtemps en isolement cellulaire, dans des conditions particulièrement difficiles : `` Nous avons été enfermés pendant un an minimum en cellule, avec la cagoule et les menottes. Nous n`avions pas le droit d`aller aux toilettes sauf si c`était urgent, on enlevait la cagoule seulement pendant les repas. (…) Quand nous étions isolés en cellule, on n`avait le droit qu`à  des visites à  distance.

On nous enlevait la cagoule et les familles étaient de l`autre cà´té du mur. Puis, nous avons pu avoir des visites dans une salle, il fallait parler dans une langue que les militaires comprennent. Pour avoir le droit à  des visites normales, nous avons contacté la ministre des droits de l`homme, et beaucoup d`internationaux sont venus nous voir.74 » `` - àŠtes-vous resté en cellule suite à  votre condamnation ? - Oui, pendant neuf mois. Les conditions étaient très mauvaises. On faisait la toilette sur place, on mangeait rarement et en petite quantité. On ne pouvait pas voir le soleil.75 » Suite à  une période d`isolement plus ou moins longue, les condamnés à  mort peuvent recevoir des visites comme les autres détenus, trois fois par semaine, les mercredi, vendredi et dimanche.

Cependant, la plupart du temps les visiteurs doivent donner de l`argent aux militaires de la garde présidentielle stationnés à  l`entrée, ce qui décourage les visites. Les condamnés à  mort du procès Kabila dénoncent par ailleurs des actes d`intimidation contre leurs familles: `` Les visiteurs doivent d`abord passer par le bureau 2, le service des renseignements, ils doivent donner leur adresse, les visiteurs ont peur de venir. Les militaires qui ont les adresses vont les visiter chez eux, il y a extorsion, règlement de compte.

Certains pensent que nous méritons la mort et que ceux qui sympathisent avec nous méritent le même chà¢timent. 76 » `` - Qu`est-ce qui est le plus pénible à  supporter en prison? - Les tracasseries que subit ma femme de la part des autorités de la prison, qui arrachent même mes repas. Les menaces et arrestations que subit ma famille et surtout ma femme, qui est traumatisée.77 »

Les violences : `` la guerre des gangs » au sein de la prison

Le niveau de violence du CPRK est élevé, que ce soit la violence symbolique créée par l`ordre arbitraire de la prison, ou les violences physiques, des passages à  tabac ou même des affrontements entre pavillons. Il semble d`abord que certaines autorités au sein des détenus abusent du pouvoir qui leur a été confié par l`administration pénitentiaire : `` Nous sommes gardés par les codétenus, et parfois ils menacent d`autres personnes et sont par moment brutaux. C`est la prison, de tels comportements ne peuvent pas manquer.78 » Un condamné à  mort de 28 ans, originaire du Kasaï occidental, parle quant à  lui de torture : `` - Est-il arrivé que des condamnés à  mort soient victimes de violences de la part des gardiens ? - Oui, souvent c`est quand un prisonnier qui est chargé par les gardiens de vendre certains biens de première nécessité utilise l`argent.

Et là , il est sérieusement torturé. - Avez-vous déjà  vous-même subi des violences ? - Oui, c`était le 4 aoà»t 2003, on m`a mis dans un cachot et à  l`intérieur j`ai été sérieusement torturé, jusqu`à  tordre le cou. J`ai eu la vie sauve suite au rapport que notre gouverneur a fait rapidement à  notre État-major. Sinon le pire allait arriver.79 » Dans nos entretiens, il est surtout frappant de constater que la plupart des condamnés mettent en avant le fait que les violences au sein de la prison sont organisées par les différentes autorités pénitentiaires, qui donnent des directives aux détenus sous leurs ordres : `` - Certains détenus subissent-ils des violences de la part des gardiens ? - Parfois. En cas de mauvaise conduite ou lorsqu`on vous surprend avec du chanvre, alors on peut vous battre. Mais ils ne le font pas personnellement.

Ils donnent l`ordre à  d`autres prisonniers de le faire.80 » Il semble y avoir aussi régulièrement des bagarres entre pavillons, une sorte de `` guerre des gangs » au sein de la prison, ou une `` guerre des pavillons », que de nombreux condamnés à  mort que nous avons interrogés dénoncent comme étant organisées par les autorités pénitentiaires : `` Pas plus tard qu`hier, entre 15h00 et 16h00, un prisonnier de notre pavillon, le pavillon 2, a été sérieusement tabassé par les prisonniers du pavillon 11 et ce suite au conflit créé et entretenu par les autorités de la prison.81 »

Ce sont surtout les condamnés à  mort du procès Kabila, qui dénoncent des agressions à  leur encontre, encouragées par les autorités carcérales : `` Parfois, on décide de nous causer du tort, parfois, la milice du directeur de la prison décide de nous faire tabasser et les scènes se répètent. Cette milice est composée de prisonniers recrutés, et est parfois renforcée par les occupants du pavillon 2, les condamnés à  mort. Ils viennent pour piller et tabasser.82 »

Aucune torture systématique n`est cependant dénoncée par les détenus. De toute façon, de tels actes sont rarement pratiqués en cellule, mais plutà´t dans les cachots des services de renseignements comme ceux de la Demiap83 ou de l`ANR84, qui échappent totalement au contrà´le de l`autorité judiciaire85.

Dans l`ensemble, la plupart des personnes que nous avons interrogées ne semblent pas souffrir de violences physiques fréquentes de la part des autres détenus ou des autorités carcérales, mais il est probable que certains ont peur de parler. Cependant, les condamnés à  mort dénoncent plutà´t des actes arbitraires comme l`isolement forcé ou des insultes et agressions verbales, qui visent spécifiquement les condamnés à  mort : `` - Un condamné à  mort est minimisé, mal traité ici par rapport aux autres détenus.

Nous avons beaucoup de consignes malgré que nous circulons dans la prison. - Avez-vous subi des violences de la part des gardiens ? - Physiquement, non, mais moralement et psychologiquement, oui. Nous sommes critiqués parce que nous sommes condamnés à  mort, notre morale est bafouée.86 » `` Parfois les gardiens nous empêchent de sortir du pavillon. Il y a des moments où ils ferment la grille à  14 heures au lieu de 15 heures C`est une forme de violence.87 »

Un autre explique même que les condamnés à  mort sont rejetés par tous : `` - Nous, les condamnés à  mort, nous n`avons rien à  dire ici. Tout le monde nous rejette. Nous n`avons rien le droit de réclamer ici. Tout ce qu`on nous fait, nous l`acceptons. - Mais vous vous promenez, vous riez avec les autres détenus. Il n`y a aucune distinction quand on vous observe… - Puisque vous ne restez pas ici, vous ne pouvez pas connaître la vérité. Mais nous-mêmes nous la connaissons. Même vous, avant que vous puissiez entrer ici, le directeur vous a fait beaucoup de complications.

Il y a un secret. Il y a même des hommes qui sont exécutés à  la place d`autres.88 » Un autre condamné à  la peine capitale nous a expliqué que les autorités pénitentiaires créaient des difficultés pour l`inscription des condamnés à  mort sur les listes électorales, disant que cela ne les concernait pas car ils allaient mourir89.

Certains gardiens parlent aussi des exécutions aux condamnés à  morts, pour les intimider, comme nous allons le voir dans le paragraphe suivant. Conditions psychologiques : la peur des exécutions et le `` phénomène retour » Si les conditions de vie des condamnés à  mort, d`un point de vue humanitaire, ressemblent à  celles des autres prisonniers malgré quelques spécificités que nous avons présentées, la peur de l`exécution donne bien évidemment une dimension toute particulière à  leur détention, que les condamnés eux-mêmes décrivent en utilisant le terme `` phénomène retour ».

Cette enquête est d'actualité car elle n'a pas pris une seule ride

La peur des exécutions, une torture psychologique

La grande majorité des condamnés à  mort ont déjà  vécu des exécutions, vu des codétenus être emmenés par les militaires pour être exécutés. Ils connaissent donc la procédure : `` Ils viennent à  l`improviste. Vous pouvez être en train de jouer au football, lorsqu`ils arrivent on crie “fermeture !” et tout le monde doit aller dans sa cellule. Ensuite le gouverneur de pavillon passe mettre les crochets et le couloir appelé “couloir de la mort” reste vide. C`est alors qu`ils viennent dans le couloir et procèdent à  l`appel nominatif des condamnés qui doivent être exécutés.

Les portes des cellules concernées s`ouvrent l`une après l`autre pour faire passage aux condamnés. Lorsque ces derniers descendent les marches de l`escalier, ils ont déjà  l`habit noir sur la tête, les menottes au poignet.90 » Ou bien encore : `` J`ai vu ça une fois, c`était un vendredi à  19 heures, les policiers sont venus et ont donné des listes aux gouverneurs qui sont allés chercher les prisonniers. Ils ont été pris par les policiers, les poignets attachés et les yeux bandés. Ils étaient au nombre de 7, c`était à  l`heure du repas, on est parti les exécuter.91 » Selon un autre : `` On nous fait rentrer dans nos cellules, on ferme tout et on vient ouvrir les pièces concernées. C`est la police : ils viennent sans arme. Certains crient, on les force pour sortir. Ils ne sont pas exécutés ici. Les militaires viennent nous dire qu`ils sont morts.92 » Les condamnés à  mort dont le tour n`est pas encore venu peuvent voir par la fenêtre leurs camarades être emmenés par les militaires, parfois violemment : `` Nous avons été surpris de la brutalité avec laquelle on était venu prendre les gens pour les exécuter.93 » Ce moment est bien sà»r très pénible pour tous les condamnés à  mort, qui ne savent pas qui va être exécuté, personne n`est bien sà»r informé à  l`avance des exécutions: `` J`ai vu deux fois des exécutions. On vient, on ferme toutes les cellules, on appelle. Tout le monde a peur, ça peut être nous. C`est calme.94 »

L`angoisse des condamnés est moins forte aujourd`hui, car les exécutions sont devenues plus rares : `` Aujourd`hui, je suis en bonne santé mais avant, avec les pensées, on ne savait pas quand on serait tué, on vivait dans un monde de rêves, quand on exécutait ses amis on n`avait plus le courage ni de manger ni de boire, on passait son temps à  se demander quel serait son jour. Demain ou après-demain ?95 »

Cependant la peur de la mise à  mort, beaucoup de détenus nous l`ont expliqué, a été ravivée par les exécutions de 2003 : `` On parle des exécutions entre nous, (…) l`évolution politique du pays nous fait peur. à‡a nous fait peur surtout quand le président actuel arrive au pouvoir en nous disant qu`il n`y aura plus d`exécutions, mais le 6 janvier 2003, il y a eu des exécutions et quand j`y pense ça me stresse, j`ai peur.96 »

D`autres encore préfèrent éviter le sujet : `` On en parle mais pas souvent car ce n`est pas facile de penser à  sa propre mort. Quand on en parle, ça nous fait peur.97 » Cette peur est en outre accentuée par des histoires qui circulent au sujet des exécutions, ou par des allusions à  ce sujet faites par les gardiens, pour intimider et insulter les détenus : `` Ils nous traitent de `` cochons d`Alamba », c`est-à -dire qu`on peut être exécuté à  tout moment.98 »

`` Les gardiens nous considèrent comme des poules de l`État congolais, qui peuvent être tuées à  tout moment.99 » `` Ils nous disent, vous êtes les animaux du président, le jour où le chef va décider vous mourrez.100 » Ce sont les condamnés eux-mêmes qui donnent le plus d`informations sur les exécutions, d`autant plus qu`il existe au CPRK plusieurs cas de jeunes hommes qui, installés sur la potence et prêts à  être fusillés, en ont été retirés au dernier moment.

Guy Kabamba Pululu, 23 ans, est originaire du Bas- Congo. Son père travaillait dans une usine de chaussures, sa mère est ménagère. Guy a un enfant qui vit chez ses parents. Il est entré dans les Fac101 à  17 ans.

Il a été condamné à  mort pour association de malfaiteurs et meurtre, et nie toute participation aux faits dont il est accusé. Il dit avoir été torturé : il porte encore les marques des cordes avec lesquelles il a été ligoté car des militaires ont tiré sur ces cordes et il a été blessé jusqu`au sang. Il a été auditionné par la Com de Mwanda. Dans son dossier où il était accusé avec quatre autres personnes, un homme a été libéré, deux autres condamnés à  mort.

Quant à  Guy, le juge a décidé que son cas restait en suspens, faute de preuves. Il a été transféré à  Kinshasa, enfermé dans le quartier des condamnés à  mort en tant que prévenu le 10 mars 2000, il avait 18 ans. Le 21 septembre, des militaires sont venus le chercher, lui ont bandé les yeux, l`ont mis dans un véhicule et conduit au camp Tshatshi102, à  trois heures du matin, avec 9 autres personnes.

Tous comprennent tout de suite qu`ils vont être exécutés, ils connaissent la procédure. Une fois arrivé au camp, Guy et les autres sont attachés à  un poteau, les yeux toujours bandés : `` On est attaché à  un poteau, ligoté tout autour de notre corps, des pieds jusqu`à  la tête pour qu`on ne puisse pas bouger. On donne de l`alcool aux exécuteurs jusqu`à  ce qu`ils soient saouls et le procureur leur donne l`ordre de tuer. J`avais les yeux bandés. (…) Je ne communiquais pas avec les autres. Tous pleuraient. Moi je priais et je disais que j`étais innocent. On essayait de parler aux militaires, on parlait dans le vide mais on savait qu`ils écoutaient. 103 »

Une discussion entre le président de la Com, à  l`époque le colonel Mokutu, et le procureur général, Alamba, s`engage alors au sujet du cas de Guy Kabamba. Le colonel Mokutu demande qu`il ne soit pas exécuté, que son nom soit retiré de la liste, car il n`a pas été condamné à  mort. à€ 11 heures, Guy est détaché et renvoyé au CPRK. Les neuf autres sont exécutés, après être restés attachés au poteau, les yeux bandés et dans l`attente d`être fusillés de 3 heures du matin à  11 heures, soit près de huit heures. Depuis cet événement Guy a des difficultés à  dormir : `` Je pense souvent à  l`exécution, je ne peux pas dormir quand je pense à  ça, je suis traumatisé.104 » Il dénonce la situation de non droit dans laquelle il se trouve : `` Depuis que je suis ici mon nom ne figure sur aucune liste, plus personne ne s`intéresse à  mon cas. Je n`ai jamais reçu de condamnation à  mort, je ne suis pas un condamné à  mort, je suis un prévenu sans dossier. »

Guy a adressé une lettre à  la ministre des Droits humains en expliquant son cas, en protestant du fait qu`il n`avait pas de dossier, qu`il était en détention provisoire depuis 5 ans. La ministre a envoyé des personnes à  la direction de la prison pour vérifier les dires de Guy, et celles-ci ont vu qu`effectivement Guy n`avait aucun dossier.

La ministre a alors écrit au ministre de la Défense nationale, de la démobilisation et des Anciens combattants, en adressant une copie à  l`auditeur général. Ce dernier a répondu en reconnaissant que Guy avait été retiré du peloton d`exécution par le colonel Mokutu, mais qu`il avait été condamné par un arrêt définitif de la Com et qu`il n`avait plus désormais que la possibilité d`introduire un recours auprès du chef de l`État. Guy n`a pourtant aucune connaissance de ce jugement.

Il n`est pas le seul à  avoir échappé de peu à  une exécution. C`est aussi le cas de Bomolo Likaa, 30 ans, marié et père d`un enfant, originaire de la province congolaise de l`Équateur, condamné à  mort pour homicide volontaire, détenu au CPRK depuis 1999 : `` - Pour vous, les condamnés à  mort, qu`est-ce qui est le plus pénible à  supporter, ici, dans la prison ? - C`est quand on vient prendre les prisonniers afin d`aller les exécuter. Depuis que je suis ici, on en a pris cinq avec qui je vivais. Moi aussi, on m`a déjà  pris une fois, on m`a mis les menottes pour aller m`exécuter.

On a tué les personnes avec lesquelles j`étais depuis Mbandaka. Arrivé à  mon tour, on m`a mis un habit sur le visage mais le général est intervenu en disant de me laisser car j`étais encore très jeune. En effet, j`ai été condamné à  l`à¢ge de 25 ans. C`est comme ça qu`on m`a enlevé les menottes et l`habit noir sur la tête.105 »

On peut imaginer l`angoisse que suscitent de tels exemples, de telles histoires qui circulent dans la prison et qui montrent à  quel point les exécutions en RDC sont une loterie, qui peut toucher n`importe qui, même des individus qui n`ont jamais été condamnés à  mort. Le déroulement des exécutions décrit par Guy Kabamba recoupe la description faite par Mbaya Makengo, condamné à  mort pour association de malfaiteurs et vol à  main armée, originaire de Bandundu, qui lui aussi parle de la présence d`Alamba et du fait que les membres du peloton d`exécution se droguaient : `` Pour mon cas par exemple, quand on avait failli nous exécuter, on nous avait bandé les yeux, lié les mains et les pieds. Pendant ce temps les membres du peloton d`exécution se droguaient.

Il y avait, sur place, le peloton d`exécution, le Colonel Alamba et un aumà´nier chré- tien auquel on devait confesser les pêchés avant d`être exécuté.106 »

Mandiata Katende a quant à  lui vu son frère être emmené par les militaires pour être exécuté lors de exécutions de 2003. Ce dernier avait déjà  échappé une première fois à  l`exécution avec un groupe d`autres personnes, en 2002, et avait tout raconté à  son frère : `` On venait de nommer le juge Nawel comme juge président de la Com, Alamba n`était plus seul.

On les a amenés là -bas pour les tuer et le juge président a refusé en disant qu`il venait d`arriver et qu`il ne connaissait pas les dossiers. Pendant 5 jours ils sont restés dans un petit bà¢timent derrière la Com. (…) à€ leur retour on a causé et il m`a raconté : dans le petit bà¢timent ils étaient cagoulés, on leur a donné un carton de whisky et on les a forcés à  boire.

Mon frère a vu l`équipe qui devait les exécuter et il a reconnu deux personnes, un lieutenant qui était chef d`exécution du Colonel Alamba, et un autre qui est venu avec le whisky et leur a dit, `` buvez, c`est votre dernier jour ». Les gens qui devaient les exécuter avaient même des bêches pour creuser leurs tombes.107 » Son frère, Mandiata Sanswana, qui était accusé d`avoir participé à  un attentat commis contre le directeur de la Banque centrale, pour lequel il niait toute responsabilité, et qui a été condamné après un procès inéquitable, n`a pas échappé une seconde fois à  la peine capitale : `` Le 6 janvier 2003 à  17h35 on a vu les gens venir les chercher. Toutes les chambres ont été fermées, je mangeais avec mon frère, nous étions dans la même chambre en train de manger.

Quand j`ai entendu le nom, j`ai compris que c`était pour l`exécution, je le lui ai même dit. Ils en ont pris 15. Mon frère était juste en culotte et en débardeur, il est parti menotté. On les a abattus à  Mikonga. D`après mes informations, on a creusé un grand trou où on les a mis. Les gens du quartier ont entendu les coups de balles, le chef de quartier l`a même dit sur radio Okapi108. Ils ont creusé un grand trou, jeté les gens vivants, et tiré sur eux.

Après le groupe du colonel Alamba et du gouvernement est venus ici pour nous dire qu`il fallait dire qu`il n`y avait pas eu d`exécutions, si on nous demandait. L`administration de la prison nous a dit que, sur ordre d`Alamba, de ne pas dire aux ONG qu`il y avait eu des exécutions.109 »

Enfin, Moseka Moimbo Kibwe a vécu une situation un peu similaire à  celle du frère de Mandiata Katende, mais lui est toujours en vie : `` Moi-même j`ai échappé à  l`exécution. J`ai été condamné le 2 février 2001 et 48 heures après on devait m`exécuter avec 8 autres codétenus. On est resté 12 jours au parquet près de la Com, pieds et bras liés au dos. C`était terrible. Nous avons eu la vie sauve grà¢ce à  une fuite d`information.

En effet, quand les ONG des droits de l`homme et la Croix-rouge ont appris qu`on devait nous exécuter, ils ont fait du bruit jusqu`à  intervenir dans la chaîne de radio. C`est ce qui nous a sauvés.110 » Ces exemples témoignent clairement de l`arbitraire des exécutions, et des conditions inhumaines dans lesquelles elles se déroulent. On ne peut qu`imaginer la peur indescriptible des condamnés à  mort congolais face à  de telles histoires…

Le `` phénomène retour »

Pour décrire les troubles psychologiques dont ils sont victimes, et leurs conséquences psychosomatiques, les condamnés à  mort utilisent un terme particulier, celui du `` phénomène retour », qu`ils ne définissent cependant pas tous de la même façon.

`` Le retour, dans mon cas, c`est quand je pense que je suis innocent, que je n`ai aucune nouvelle de mon épouse ni de mon enfant, qu`on a pillé tous mes biens, que j`ai perdu ma famille là -bas au village à  cause de la rébellion, alors il y a un fort retour. (…) Pour moi le phénomène de retour c`est quand la personne pense à  sa vie avant la condamnation et à  comment il est arrivé à  cette situation.111 »

Beaucoup évoquent le fait de penser à  leur famille comme cause du `` phénomène retour » : `` Pour moi je dirais que depuis que je suis condamné, je n`ai eu aucune visite, même de ma femme qui s`est remariée. Quand j`y pense c`est la débandade et ça me fait comme un retour. Je peux blaguer, causer mais quand je me retrouve seul je ne peux m`empêcher d`y penser.112 » `` Le phénomène retour, c`est quand on se met à  penser à  sa vie avant la condamnation, à  sa femme et à  ses enfants. à‡a fait un retour et la personne peut faire une crise de nerfs ou même mourir.113 »

`` J`ai deux enfants orphelins car leur maman est décédée et leur papa est en prison. Moi qui suis leur papa, je souffre quand je pense que mes enfants souffrent aussi à  l`extérieur, ça me fait mal.114 » Certains condamnés intègrent la peur des exécutions dans leur définition du phénomène retour : `` Nous parlons des exécutions entre nous. J‘y pense souvent, c`est difficile à  oublier. Nous parlons du `` phénomène retour ».

Tous les condamnés à  mort connaissent cela. Avec le manque de sommeil, le manque de tranquillité, parfois nous pleurons. (…) Le pire à  supporter, c`est la charge de la peine, elle est très lourde. Elle fait pleurer les membres de ma famille. Quand la peine a été prononcée, ma femme est tombée.115 » Lorsqu`on leur demande s`ils ont peur, un jour, d`être exécutés, la plupart s`en remettent à  la volonté de Dieu.

Certains évoquent aussi leur espoir que la transition politique ne mette un terme définitif aux exécutions. Ainsi Bomolo Likaa, qui a pourtant échappé de peu à  une exécution, nous explique : `` Je n`y pense plus souvent [aux exécutions] car depuis l`arrivée de Jean-Pierre Bemba avec la transition en 2003, les exécutions ne se font plus tellement car le colonel Alamba qui était chargé de ces exécutions, est condamné aussi.

Alors, il n`y a pour le moment plus d`exécution. C`est ce qui fait que nous avons un peu de tranquillité.116 » Néanmoins, beaucoup de condamnés expliquent que les exécutions de 2003 ont ravivé leur peur d`être un jour exécutés. Par ailleurs, de nombreux condamnés à  mort nous ont expliqué avoir des idées suicidaires, des cauchemars, des insomnies, des phénomènes de sursaut, dus à  des réminiscences d`événements traumatiques passés, notamment le procès, la condamnation à  mort, la guerre ou les mauvais traitements que beaucoup ont subis, ainsi qu`à  la peur de l`exécution. Certains se réfugient dans la consommation d`alcool ou de drogue, beaucoup choisissent pour réconfort la religion, essentiellement la religion catholique ou les églises évangéliques, les musulmans restent minoritaires.

Les conditions humanitaires dans lesquelles vivent les condamnés à  mort du CPRK sont donc déplorables, et leur situation est largement aggravée par la souffrance psychologique que représente la peur des exécutions. Et pourtant, il semble que cette situation se soit largement améliorée ces dernières années : d`une part, bien sà»r, les exécutions sont beaucoup moins nombreuses, mais en outre la situation humanitaire semble aussi s`être améliorée, comme nous l`explique Katende Mandiata, inspecteur général de la prison et détenu parmi les condamnés à  mort du CPRK depuis le 26 décembre 1999 : `` Avant 2000, les peines capitales étaient regroupées au pavillon 6, en cellule, ils ne voyaient pas le soleil, on n`avait pas le droit de sortir, pas de promenade, on mangeait dans la cellule. On est sorti dehors quand Garreton117 est venu en 2000, au début on avait le droit à  deux sorties par semaine, le jeudi et le samedi pendant trente minutes, et on était bien encadré par les gardes. Maintenant, on peut sortir tout le temps, depuis 2001. à‡a a changé grà¢ce aux droits de l`homme, grà¢ce à  la Croix-rouge ».

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